Ngaaluh rejoignit Nom Anor et Kunra loin au-dessous des quartiers qu’on lui avait affectés. Les gardes postés à l’entrée de la chambre du Prophète la laissèrent entrer après avoir vérifié auprès de leur chef.

Elle paraissait inquiète.

— Maître, dit-elle en inclinant la tête en signe de respect, je suis venue aussi vite que possible. Il y a une urgence ?

— Elle est passée, pour le moment. Je vous ai appelée pour vous tenir informée.

Nom Anor lui révéla ce qui venait de se produire. Quand elle apprit la trahison de Shoon-mi, la prêtresse ne put pas cacher son ahurissement.

— Impossible… Shoon-mi n’aurait jamais fait ça !

Nom Anor baissa son col, révélant l’entaille que le traître lui avait laissée.

— Pourtant, c’est arrivé.

Il restait calme malgré la rage qui courait encore dans ses veines, et les soupçons qui montaient en lui.

— Cet imbécile a osé lever la main sur moi, et il en a payé le prix. Mais je me demande si d’autres surprises ne nous guettent pas dans l’ombre…

— J’ai posé des questions autour de moi, dit Kunra, sombre. Shoon-mi n’était pas le seul mécontent. De l’avis général, nous n’allons pas assez vite, et nous ne sommes pas assez décisifs.

— Je me pose des questions sur la brutale hardiesse de Shoon-mi, continua Nom Anor. Il n’avait pas l’intelligence d’organiser seul un tel coup d’Etat. Il y a quelqu’un d’autre derrière tout ça.

Ngaaluh regarda Kunra, puis Nom Anor.

— De qui pourrait-il s’agir, maître ? demanda-t-elle, troublée.

— A ce stade, je l’ignore. Mais nous trouverons les responsables, et nous les éliminerons.

— Les suspects ne manquent pas, continua Kunra. Au moins deux acolytes subalternes, Idrish et V’tel, aimeraient prendre le pouvoir, s’ils pensaient en avoir l’occasion.

— Je trouve… inconcevable… que quelqu’un en qui vous aviez une telle confiance ait pu envisager de se retourner contre vous, dit Ngaaluh.

— La capacité de trahir faisait de lui un bon émissaire, corrigea Nom Anor, étonné par la réaction de Ngaaluh. Pourquoi cela vous surprend-il ? Vous êtes une experte en tromperie. Il est dans la nature de chacun de trahir – Shimrra, ou moi, ou les deux !

— Mais pas… (Elle déglutit.) Vous attaquer irait contre tout ce que nous prônons ! Les Jeedai ne l’accepteraient jamais !

Ah…, se dit Nom Anor.

Les propos d’une fanatique pour qui le mouvement était aussi pur et incorruptible que ses idéaux. Aux yeux de Nom Anor, un réaliste, le mouvement était une chose très différente, et il se comportait en conséquence. Pour lui, c’était un moyen d’obtenir du pouvoir, et rien n’empêchait les autres membres du groupe de l’utiliser aux mêmes fins.

— Tous ne sont pas aussi dévoués que vous, ma chère Ngaaluh. Et ils ne voient pas les choses aussi clairement.

— Peut-être l’attaque vient-elle de l’extérieur du mouvement. De Shimrra !

— Le seigneur suprême a tenté d’infiltrer des espions dans nos rangs, admit Kunra, mais il n’aurait jamais pu se rapprocher assez pour persuader Shoon-mi de nous trahir, sans que nous nous en apercevions.

— Et il n’a pas la patience nécessaire à une telle tactique, renchérit Nom Anor. Il se serait servi de Shoon-mi pour conduire ses guerriers à notre cachette, puis il nous aurait exterminés. Non. Si Shimrra avait été derrière cette tentative, nous serions en train de pourrir dans la fosse des yargh’un, avec les autres hérétiques…

— Si la nouvelle de cette attaque se répand, dit Ngaaluh, cela pourrait quand même être une explication plus adéquate que celle de la trahison d’un de vos proches collaborateurs.

— La nouvelle ne se répandra pas, répondit Kunra. Je m’en suis assuré.

— Et quel bien cela nous ferait de rendre publique cette histoire ? ajouta Nom Anor. Cela enragerait nos fidèles… Ils exigeraient que nous attaquions Shimrra, afin qu’il sache que nous refusons de nous laisser intimider… Pas question ! Nous opposer au seigneur suprême sans être fins prêts signerait notre perte.

— Si nous étions prêts bientôt…

— Nous ne le serons pas, Ngaaluh. Le risque serait trop grand. De petites actions terroristes sont une chose. Nous pouvons nous permettre de perdre une cellule ou deux, si elles sont identifiées. Mais tout risquer dans une confrontation mal préparée contre Shimrra ? Non. Ce serait notre fin.

Ngaaluh eut l’air légèrement déçue.

Quelle mouche piquait ces fanatiques ? se demanda Nom Anor. Pourquoi semblaient-ils toujours prêts à se sacrifier pour des quêtes perdues d’avance ?

Dans ce cas, les Jedi étaient un très mauvais exemple. Après Ganner et Anakin Solo, mourir pour rien semblait devenir populaire auprès des masses…

… Mais pas auprès de Nom Anor ! S’il devait échouer, ce ne serait pas en se lançant, avec une populace dérangée, dans une quête absurde !

Ngaaluh baissa la tête.

— Vous avez raison, bien entendu, maître.

— Oui, j’ai raison ! Nous nous battons sur de nombreux fronts. Notre nombre augmente tous les jours. Shimrra sait que nous existons. Bientôt, il acceptera l’inévitable.

— Oui, maître. Il ne pourra pas nous ignorer à tout jamais.

Dans le regard de la prêtresse, Nom Anor lut qu’elle avait une fois de plus gobé ses bobards.

— Nous continuerons donc comme prévu. Répandons le message et débarrassons-nous de nos adversaires. La campagne contre Zareb progresse bien, je suppose ?

— Ses détracteurs ont réussi à s’infiltrer parmi ses partisans. Le moment venu, ils seront capturés et interrogés.

— Le moment est venu, dit Nom Anor. Mettez le plan en œuvre dès demain.

— Je suis inquiet, avoua Kunra. Nous gaspillons nos ressources en envoyant tant de novices à la mort.

L’argument clé contre son plan de vengeance…

Nom Anor le savait. Mais il pouvait aisément le réfuter.

— Nous en recruterons d’autres. Pour le moment, nous ne manquons pas de volontaires.

— Nos disciples se porteront de moins en moins souvent volontaires si nos cibles restent des intendants et des exécuteurs de bas étage.

— Ils ne sont pas si négligeables que ça ! grogna Nom Anor, se souvenant de l’époque où il était exécuteur.

— Mais comprendre pourquoi il faut les attaquer est difficile ! protesta Kunra, le front plissé. Nos fidèles pourront peut-être leur succéder incognito, mais combien de temps devront-ils encore attendre leur liberté ? Voilà ce que j’entends dans la bouche des mécontents… Bien sûr, ce n’est pas mon opinion.

— Exact, car tu n’as pas plus que moi envie de te suicider ! (Nom Anor soupira.) Nous nous occuperons des mécontents au fur et à mesure. Qu’ils attaquent Shimrra, si ça leur chante ! Mais ils le feront sans mon soutien, ni mes ressources.

— Peut-être l’un d’eux aura-t-il de la chance, souffla Ngaaluh, une lueur étrange dans les yeux.

Il était temps de changer de sujet. Tuer Shimrra, Non Anor le savait, aurait des conséquences désastreuses pour les hérétiques. Le chaos régnerait le temps qu’un autre seigneur suprême prenne le pouvoir. Et le maître de guerre Nas Choka ou le haut préfet Drathul seraient-ils plus faciles à amadouer que Shimrra ? Rien n’était moins sûr. Nom Anor avait besoin de Shimrra là où il était. S’il tombait, et que l’effort de guerre échoue, il doutait que Mara Jade Skywalker et l’Alliance Galactique lui témoignent beaucoup de sympathie quand ils apprendraient qui était réellement derrière l’hérésie Jedi…

— Vous avez reçu un courrier aujourd’hui, dit Nom Anor. Je suppose qu’il venait de la cour de Shimrra ?

— Oui, répondit Ngaaluh, momentanément troublée par le changement de sujet. Des subordonnés me transmettent les nouvelles régulièrement. Il ne faut pas rester sans contact trop longtemps. Une seule erreur peut s’avérer fatale.

Nom Anor le savait trop bien.

— Ces développements nous concernent-ils ? L’idée du haut prêtre Jakan sur les rayons-épines a-t-elle été entérinée ?

— Non, comme nous l’escomptions. Mon subordonné m’a rapporté un élément qui n’est peut-être pas directement lié à nous, mais qui semble étrange. Vous vous souvenez de la mission vers les Régions Inconnues dont je vous ai parlé ?

— Le commandant qui aurait trouvé Zonama Sekot ? Il a disparu après avoir annoncé sa découverte.

— Oui. Mais Ekh’m Val ne prétendait pas seulement avoir localisé la planète vivante. Il disait en avoir rapporté un morceau avec lui.

— Vraiment ? Ce commandant a-t-il été localisé ?

— Non, maître.

— Qu’est-il arrivé au fragment de Zonama Sekot ?

— Il a disparu aussi.

Nom Anor ricana.

— Très pratique ! Qu’en penses-tu, Kunra ? Un guerrier vantard qui voudrait qu’on le croie sur parole ?

— Des preuves corroborent ses dires, répondit Ngaaluh. Un corail yorik a été désarmé au moment où le commandant Val annonçait ses découvertes. Juste avant, le Noble Sacrifice est entré en orbite autour de Yuuzhan’tar. Soupçonné d’abriter des espions infidèles, il fut détruit. Les rapports établissent que le vaisseau en corail yorik désarmé provenait du Noble Sacrifice.

— Où est le mystère ? demanda Nom Anor. Pourquoi ce vaisseau serait-il autre chose que ce qu’on nous en dit ?

— Cacher des incursions de ce type n’est pas dans la nature du maître de guerre Nas Choka. Il l’aurait dûment rapportée pour se couvrir de gloire et s’attirer les bonnes grâces de Shimrra. Bref, il n’aurait certainement pas enterré l’affaire comme ça !

— Etes-vous certaine qu’il l’a enterrée ? Vos informations sont peut-être incomplètes…

— J’ai vérifié, affirma Ngaaluh. Il n’est nulle part fait mention de ce commandant Val. Dans aucun rapport officiel.

— Il n’existait donc pas.

— Pourtant, je l’ai trouvé.

— Je croyais qu’il avait disparu !

— Pas pour ceux qui l’ont cherché assidûment.

— Où est-il, alors ? Vous lui avez parlé ?

— Hélas, non. Le commandant Val n’est plus en état de parler. Il est mort. Mon subordonné a réussi à retrouver sa dépouille dans la fosse des yargh’un. Avant de lui faire subir cette mort infamante, on lui avait retiré tout élément permettant de l’identifier.

Un moment, Nom Anor crut à cette histoire. Puis son scepticisme naturel reprit le dessus.

— Si son cadavre n’avait aucune marque permettant de l’identifier, comment savez-vous que c’était lui ?

— L’heure de sa mort coïncide avec la disparition de Val… De plus, combien de guerriers en pleine forme sont jetés dans la fosse des yargh’un ? Cet « honneur » est généralement réservé aux rangs les plus bas, aux hérétiques décharnés convaincus des crimes les plus noirs.

— La trahison est en bonne place sur la liste de ces infamies. Si Val avait collaboré avec les infidèles, ou s’il s’était laissé corrompre, il peut très bien avoir subi ce sort. Votre subordonné se sera trompé, ou il aura interprété l’histoire à sa façon.

— C’est possible…

— Je crains qu’on vous ait prise pour une idiote, Ngaaluh. Vous auriez dû faire attention.

— Je n’en débattrai pas avec vous, maître. Je vous rapporte simplement ce que j’ai entendu dire.

— Et je vous en remercie. C’était un récit divertissant.

Kunra semblait fasciné par la conversation. L’ancien guerrier était peut-être incapable de démêler un mensonge plausible d’une vérité peu probable…

— Approfondissez la question quand vous retournerez à la cour de Shimrra, dit Nom Anor pour consoler la prêtresse. Je suis toujours content qu’on me prouve que j’ai raison. Et si j’ai tort, ce sera peut-être à notre avantage.

— Oui, maître. Je reviendrai dans deux jours vous présenter mes preuves contre le préfet Zareb.

— Excellent, conclut Nom Anor, ravi à l’idée d’éliminer bientôt un ancien rival supplémentaire – le troisième en peu de temps. Notre plan se déroule à merveille. A mon avis, nous sommes sur la bonne voie. Mes adversaires iront rejoindre le commandant Val dans la fosse des yargh’un !

— C’est un jeu d’enfant, avec l’aide de Ngaaluh, dit Kunra. Les contestataires, dans nos rangs, se tairont bientôt !

— Comme mon maître le désire, ajouta Ngaaluh en s’inclinant une troisième fois.

Elle demanda à se retirer. Fatiguée, elle devait se préparer aux jours à venir.

Nom Anor lui donna congé en affirmant que la trahison de Shoon-mi ne l’inquiétait plus. Que pourrait-il craindre, avec à ses côtés des partisans comme elle ?

Ravie de la flatterie, elle lui souhaita un bon repos et s’éclipsa.

Nom Anor se tourna vers Kunra.

— Alors ?

— Je la crois. Elle ne convoite pas votre trône.

Anor sentit un nœud se détendre dans son estomac, sans pour autant baisser sa garde.

— Ngaaluh est une experte de la tromperie. Son discours sur le commandant Val était peut-être une diversion…

Kunra haussa les épaules.

— Possible. Je ne suis pas aussi doué que vous pour percer à jour les mensonges.

Nom Anor plissa les yeux. Etait-ce de l’ironie qu’il entendait dans la voix de Kunra ? Les deux étaient-ils ligués contre lui, présentant un front uni puisque la tentative de le détrôner avait échoué ?

Ngaaluh semblait avoir hâte d’attaquer Shimrra – et elle avait reçu ce mystérieux courrier aujourd’hui…

— Elle reste utile, dit le Prophète, qui venait d’en arriver à la même conclusion sur Kunra. Je peux vivre avec mes doutes. Mais je prendrai mes précautions. Il faut plus qu’un coufee dans l’obscurité pour me tuer – maintenant plus que jamais !

— Exact.

Nom Anor ignora le contentement, dans la voix de Kunra, comme il avait ignoré l’ironie.

— Quand dois-je recevoir la première congrégation ?

— Dès que vous vous sentirez prêt.

— Pourquoi n’y serais-je pas prêt ? Dis à… (il hésita, choisissant rapidement un remplaçant à Shoon-mi.) Annonce à Chreev qu’il est désormais l’acolyte en chef. Qu’il s’occupe des arrangements pour la matinée. Il n’y a aucune raison de nous interrompre, ça inquiéterait trop nos fidèles.

L’ancien guerrier sourit.

— Je suis d’accord. Ce n’est pas le bon moment de perdre notre élan.

Ça suffit, pensa Nom Anor. Me sauver la vie ne te donne pas automatiquement un accès privilégié à mes oreilles !

Nom Anor désigna la sortie, retenant les remarques acerbes qu’il aurait aimé proférer… Le temps viendrait bientôt de lui donner quelques leçons d’humilité.

— Pars. Tu en as assez fait pour une journée.

Kunra fit une vague révérence et se retira.

 

La descente fut mouvementée. Jag aurait voulu prendre les commandes du vaisseau et le piloter plus délicatement, mais il ne le pouvait pas. Même si les deux camps savaient que le Collaborateur était une ruse, il importait de sauver les apparences. Le vaisseau descendrait donc en spirale jusqu’aux couches supérieures de l’atmosphère, où il commencerait à ralentir. Une fois qu’il serait hors de vue, Tahiri ferait atterrir l’épave.

Jag aurait préféré un vol plus élégant, mais ce n’était pas le moment de pinailler.

Il ne fut pas étonné que tout se passe bien, puisque les combats s’étaient calmés depuis le lancement de la mission.

Il y eut un bruit de ferraille derrière lui.

— Etes-vous sûr que tout est bien arrimé ? demanda Jag à Arth Gxin, le sergent impérial qui s’était porté volontaire pour la mission.

— Certain, répondit l’homme mince aux cheveux noirs. Quelque chose a dû se détacher dans les débris de la coque.

Pellaeon avait assuré à Jag que l’aristocratique Gxin était le meilleur pilote « en atmosphère » de son équipage.

Jag accepta l’explication. De toute façon, il ne pouvait pas aller vérifier. Tout le monde était sanglé sur son siège et le resterait jusqu’à ce que la trajectoire de vol se stabilise.

Le groupe réuni pour la mission représentait tous ceux qui étaient concernés par l’issue de la bataille. Jag et Jocell étaient là au nom des Chiss. Gxin venait de l’Empire. Jaina et Enton Adelmaa’j servaient l’Alliance Galactique et Tahiri portait maintenant en elle… les Yuuzhan Vong.

Un groupe hétéroclite – mais Jag était sûr qu’ils donneraient du fil à retordre aux équipes de Yuuzhan Vong…

Sa réflexion fut interrompue par un impact qui fit tournoyer le vaisseau. Tahiri étudia les quelques instruments dont ils disposaient.

— On y est presque, murmura-t-elle, les mains serrant les accoudoirs de sa couchette. Ça y est !

Elle leva un bras vers les commandes. Jag comprit que c’était le moment d’intervenir. Ensemble, ils reprirent tant bien que mal le contrôle du Collaborateur. Dans l’atmosphère dense d’Esfandia, leur altitude baissa dangereusement. Jag eut l’impression de sentir l’air chauffer autour du vaisseau… Les coordonnées indiquant l’emplacement de la station de relais, communiquées à Jaina par sa mère, disparurent de l’autre côté de la planète, suivies peu après par celles du point de rendez-vous.

Ils auraient une révolution de plus à faire avant de devoir se poser.

Se poser ? Un doux euphémisme ! Leur plan consistait à abandonner le vaisseau afin de perturber leurs poursuivants. Le cap d’entrée du Collaborateur se verrait comme le nez au milieu de la figure. Jag était sûr que les Yuuzhan Vong convergeraient aussitôt sur son point d’atterrissage. S’ils trouvaient une épave en flammes, tant mieux !

Contente de savoir que les indigènes étaient avertis de se tenir à l’écart, Tahiri modifia la trajectoire du Collaborateur et annonça que le vecteur la satisfaisait. Jaina défit les sangles de son harnais de sécurité et se leva, luttant contre les soubresauts, sous ses pieds.

— D’accord. Allons préparer ces motospeeders.

Les six membres de la mission gagnèrent l’endroit où les motospeeders étaient attachées par des harnais de fortune. Jag mit le casque de sa combinaison environnementale et activa le système com. Il garderait le contact avec ses camarades grâce aux haut-parleurs et aux micros de la combinaison. Pour les distances plus longues, un réseau laser permettait de parler à ceux qui étaient dans la ligne de mire directe du système.

— Essai, essai…

— Je vous reçois cinq sur cinq, colonel Fel, répondit Gxin, déjà sur sa motospeeder. Tous les systèmes sont au vert.

— Vert, confirma Jocell.

Jag grimpa sur sa motospeeder et activa ses moteurs à répulsion. Un bourdonnement aigu emplit l’air.

Un par un, ils confirmèrent leur statut.

— Explosifs armés, dit Jaina. Nous partons dans deux, trois, un…

Jag sentit l’explosion à travers sa combinaison.

La coque explosa et l’épave s’ouvrit en deux, comme prévu.

Un par un, ils furent aspirés par un ouragan. Sentant sa motospeeder démarrer dès qu’il approcha du sol, Jag lutta contre les turbulences. Pas le temps de repérer les autres… Mais le système com gardait trace de tout le monde, montrant les emplacements sous formes de taches rouges sur l’affichage du casque.

Un bruit de tonnerre salua l’atterrissage brutal du Collaborateur sur Esfandia.

— Tout le monde va bien ? demanda Jaina.

Tous confirmèrent qu’ils avaient quitté le vaisseau sans problème.

— Nous sommes un peu à côté de la cible, ajouta-t-elle, prenant la position centrale dans la formation aérienne triangulaire.

Jag vit Jaina vérifier les données et les comparer aux signaux de navigation transmis par les vaisseaux impériaux, loin au-dessus d’eux.

— Direction, trente degrés au sud cinq kilomètres, dit la jeune femme. Sergent Gxin, prenez la tête.

L’Impérial fonça dans la direction indiquée. Les autres le suivirent. Jag vérifia ses armes, guidant la motospeeder d’une seule main. Outre le canon fixe, il portait à la ceinture un pistolet blaster lourd, plusieurs détonateurs thermiques, et son charric accroché dans le dos. Quatre mines 4 HX4 pendaient dans un filet, de chaque côté de sa selle. Quand il se fut assuré que leur atterrissage brutal n’avait pas endommagé son mini-arsenal, il prit le temps de regarder autour de lui.

A cause du dispositif d’augmentation de la lumière intégré à son casque, le ciel paraissait orange foncé. Le vent le poussait, mais il n’était pas produit par le type d’air qu’on trouvait habituellement sur une planète de cette taille. L’atmosphère d’Esfandia, à base de méthane et d’hydrogène, convenait plutôt à une géante gazeuse. Jag ne sentait pas réellement le froid, mais il le percevait, à quelques millimètres de sa peau. Si sa combinaison environnementale tombait en panne, son sang gèlerait en quelques secondes.

Tout bien considéré, ce n’était pas l’endroit le plus convivial qu’il ait visité…

Gxin les emmena à travers une forêt de fines colonnes qui ressemblaient à des troncs d’arbres pétrifiés. Jag ignorait de quoi elles étaient réellement faites, et il n’avait ni le temps ni l’envie de s’arrêter pour le vérifier ! Plus vite il quitterait la planète, et mieux ça vaudrait !

Une curieuse flèche métallique se dressa devant eux. Haute de vingt mètres, ses lignes géométriques la distinguaient nettement des « troncs d’arbres ». Jag savait que c’était le transpondeur – le point de rendez-vous. Ils approchèrent prudemment.

Gxin décéléra quand ils furent en vue de leur objectif.

Jag gardait l’œil ouvert, conscient des nombreuses cachettes présentes autour de la structure principale.

Jaina avait parlé d’un traître au sein de l’expédition. Si l’espion avait réussi à prendre le dessus sur Yan et les autres, il pouvait les attendre pour les éliminer un par un à leur arrivée.

Un grondement de moteurs de motospeeders retentit. La formation triangulaire s’éparpilla pour faire une cible aussi difficile que possible. Jag garda un doigt sur la détente, prêt à pulvériser ce qui arrivait vers eux, s’il s’agissait d’un ennemi.

Des parasites résonnèrent dans ses écouteurs, puis son unité com localisa un signal et se verrouilla dessus.

— … d’autre pourrait utiliser ces fréquences ? Tu te fais trop de souci, Droma !

— C’est ça qui m’a permis de vivre si longtemps.

— Et moi qui croyais que c’était grâce à ta beauté et à ton charme !

— Papa ? fit Jaina. Je reçois ton signal cinq sur cinq.

— Normal, nous sommes juste au-dessus de vous… (Cinq motospeeders surgirent de l’obscurité, montées par des motards de taille très variable.) Bienvenue à Esfandia ! Ravi que tu aies pu venir, chérie.

— Moi aussi, répondit Jaina, soulagée.

— Que penses-tu du coin ?

— Ce n’est pas le genre d’endroit où j’aimerais prendre des vacances !

— Allons ! intervint Droma. Vous risquez de vexer les indigènes.

Quand les gaz d’échappement des motospeeders se dissipèrent, des silhouettes circulaires fantomatiques dérivèrent vers eux. Les indigènes, comprit Jag. Les formes de vie originaires d’Esfandia semblaient flotter dans l’air étonnamment dense. De temps en temps, l’une d’elles semblait se ratatiner avant de se propulser en avant. Il supposa que les créatures aspiraient l’air et, pour avancer, le rejetaient par un évent arrière. Ce n’était pas le moyen de propulsion le plus gracieux que Jag eût connu, mais il semblait fonctionner.

— Ils ne savent pas que s’approcher de nous est dangereux ?

— Nous avons essayé de les prévenir, répondit Droma, mais ils nous ont quand même suivis. Ils peuvent aller très vite quand ils le veulent.

— Les Etres de Glace sont curieux, dit Yan, mais pas stupides. Crois-moi, ils se pousseront dès que ça chauffera !

— Quel est notre degré de préparation ? demanda Jaina.

Yan lui présenta le technicien de communication venu avec son groupe reprogrammer l’énorme transpondeur. Il lui faudrait une demi-heure pour bypasser les systèmes de sécurité automatiques et donner ses nouvelles instructions à l’appareil.

— Bon, dit Jaina, commencez tout de suite. Pendant ce temps, nous préparerons le terrain.

Elle descendit de sa motospeeder pour répartir les mines, avec l’aide d’Adelmaa’j, de son père, de Droma et d’un garde de la sécurité klatooinien.

Jag déchargea ses mines, puis explora le secteur pour s’assurer qu’il n’y avait personne en embuscade. Une tache plus difficile qu’il ne l’aurait cru. Entre la chiche lumière, l’atmosphère dense et le terrain irrégulier, il y avait des centaines de façons de rater quelqu’un qui aurait voulu approcher en douce…

Le seul point positif ? Le son portait très loin, et les avertirait largement à l’avance de l’arrivée d’un vaisseau. Mais les pétarades de leurs propres motospeeders avaient aussi pu alerter l’équipe au sol des Yuuzhan Vong… Restait à espérer que les guerriers n’arriveraient pas avant qu’ils soient prêts…

Les détecteurs de sa combinaison donnèrent l’alerte une seule fois. Un sifflement retentit au milieu des parasites ambiants. Il ne semblait pas provenir d’un tsik vai, l’équivalent yuuzhan vong d’une motospeeder, mais Jag le signala, à tout hasard.

— Un transport de troupes, répondit Tahiri. En conditions de combat, sa soute contient des tsik seru et des soldats-esclaves reptiloïdes plutôt que des guerriers normaux.

— Et les tsik seru sont… ? demanda Jag.

— Des tsik vais équipés de blasters, conçus pour se déplacer rapidement et faire le plus de dégâts possible.

— D’autres armes ?

— Des coufees, des scarabées tranchants, des insectes-tonnerre… Tout ce que les pilotes peuvent transporter.

— Super ! Merci pour l’information.

Jaina essaya de rassurer tout le monde.

— Ce qui compte, c’est qu’il ne s’est pas arrêté ici. Nous devrions être en sécurité, maintenant.

Dix minutes plus tard, le technicien com annonça que le transpondeur était prêt. Tahiri lui donna le message, qui représentait la dernière pièce du puzzle. Il était plus court que Jag s’y attendait – et incompréhensible. Les subtilités du yuuzhan vong lui échappaient complètement. Il devait croire qu’il disait bien ce que Jaina avait demandé.

— Une dernière mine à poser, annonça Yan.

Il y eut un bruit de pelle et un grognement…

— Bien joué, Droma. Tu viens de gagner ton billet de retour sur le Faucon.

— Tu parles d’un billet, Yan ! Donne-moi un bon avocat, et j’obtiendrai des dommages et intérêts !

— Tout le monde en selle ! Ces trucs exploseront trois minutes après que j’ai donné l’ordre. Vous savez ce qu’il vous reste à faire !

Jag fit une dernière fois le tour du transpondeur et s’assura que tous les systèmes de navigation étaient mis à jour pour tenir compte de l’emplacement des mines. Il ne voulait pas que quelqu’un se jette par erreur sur l’une d’elles.

— Pressons ! lança Tahiri. Vorrik n’attendra pas éternellement. Si mon message tarde à lui parvenir, il sera furieux.

— Alors, allons-y. Le compte à rebours commence maintenant !

Les onze motospeeders filèrent loin du transpondeur.

Affolés, les Etres de Glace s’éparpillèrent. Jag n’en éprouva aucun remords – au contraire. Les effrayer était un service à leur rendre, car le secteur deviendrait vite dangereux pour tout le monde.

Le sergent Gxin entraîna le groupe vers un site plus sûr. Il avait examiné le secteur pendant les préparatifs et repéré deux endroits parfaits pour cacher les motospeeders après l’opération. Le premier était un surplomb. Jaina y emmena Jag, son père, Droma, Jocell et le technicien com, puis, avec le reste du commando, elle partit vers la seconde cachette, située à un kilomètre de la première.

Quand le bruit des moteurs de l’équipe de Jaina cessa, il restait moins de trente secondes. Jag chargea son charric et l’attacha sur sa selle, à droite, pour l’avoir à portée de la main.

Il avait tout juste fini quand le transpondeur géant s’éveilla et envoya le message de Tahiri à tous les Yuuzhan Vong en orbite au-dessus d’Esfandia.

 

Pellaeon leva les yeux quand une alarme retentit sur la passerelle du Droit de Gouverner.

— Au rapport.

— Signal audio venant du sol, monsieur.

Criant en yuuzhan vong, la voix de la jeune Jedi emplit la passerelle. Les ondes électromagnétiques qui véhiculaient le message provenaient d’un endroit précis, à la surface d’Esfandia, et se répandaient dans l’espace.

Dans un rayon de plusieurs millions de kilomètres, personne ne pouvait le rater – le but même de la manœuvre. Pellaeon ignorait tout de la teneur du message. Il devait s’en remettre aux affirmations de Jaina concernant les propos de Tahiri… Si la déclaration de Tahiri était celle qu’on attendait, l’effet en serait presque instantané.

Dix secondes passèrent, puis vingt. Tous les détecteurs du Droit de Gouverner focalisés sur l’origine du signal, on ne voyait pourtant pas grand-chose à travers l’atmosphère épaisse d’Esfandia… Pellaeon tenta de se faire une idée d’après les images radar brouillées. Etait-ce la traînée d’une motospeeder qu’il voyait ? Les vaisseaux d’atterrissage yuuzhan vong généraient-ils des ombres de ce genre ?

Quand l’événement attendu se produisit, il n’y eut plus aucun doute. Un feu orange éclata sur l’écran à infrarouge, vira au blanc puis diminua en prenant des tonalités pourpres.

— Une détonation, annonça l’aide de camp de Pellaeon.

— Je détecte des éclairs, ajouta le responsable de la télémétrie. Un tir d’armes à grande énergie.

— Où ?

— Tout autour de la cible.

L’aide de Pellaeon le regarda.

— C’est commencé, monsieur.

 

— Ça ne va pas ! protesta la Magistère.

— Silence ! cracha Senshi en appuyant la racine-arme contre la tempe de Jabitha. Je veux entendre ce que les Jedi ont à dire.

Jacen inspira à fond. Il sentait que tout se concentrait sur lui : les Ferroans, les boras, Saba, Senshi, la Magistère… Peut-être même Sekot en personne.

Ce qu’il allait déclarer serait capital.

Il n’avait guère le choix. Certes, Saba et lui auraient pu, par la Force, se débarrasser des ravisseurs, mais en laissant Danni et Jabitha à la merci de Senshi.

Ecarter l’arme de Senshi avec la Force… ? Jacen serait-il assez rapide pour empêcher les autres Ferroans de tirer ?

Il devait y avoir une solution autre que l’agression…

Le tentacule pointu d’un bora frappa le sol à côté de Jacen, puis se redressa, menaçant. Le jeune homme n’eut pas besoin d’autre incitation. Pendant que Saba reculait devant un deuxième tentacule, il se concentra. Plongeant dans la chaleur de la Force, il se projeta en l’air.

Plus haut que les Ferroans et les boras…

Toujours plus haut.

Il rencontra de l’électricité statique produite par l’orage… et du vent. Ce qu’il cherchait n’était pas là. Il pensait trop en termes humains…

Il redescendit le long des troncs des boras, puis dans le sol, plongeant dans l’obscurité où d’étranges petits esprits rôdaient, se nourrissant de compost en tout genre.

Là, il trouva enfin : un nœud de colère intense, au cœur des boras maléfiques… Cet esprit habité par la haine voulait tuer ceux qui avaient envahi ce lieu sacré, les écraser, effacer tout souvenir de leur présence.

Alors que des tentacules s’abattaient sur lui, Jacen plongea dans l’esprit de la plante indignée.

— Lieu sacré violé ! cria la conscience primitive. Protéger !

— Nous ne vous faisons pas de mal, assura Jacen. Nous partirons bientôt.

Mais il s’avisa vite que des notions aussi complexes que le passé et l’avenir échappaient à la créature.

— Les os nous rendent forts !

— Vous l’êtes assez, assura Jacen, essayant de calmer la colère de la plante par une suggestion mentale.

— Plus forts !

Jacen plongea profondément dans l’esprit des boras, se heurtant à un… entrelacs… de fureur. La pression monta dans ce nœud de rage et de frustration.

Jacen tira doucement dessus.

— L’isolement entraîne la stagnation, dit-il.

Il guida doucement l’esprit enflammé dans une nouvelle direction.

— La stagnation mène à la corruption.

Le nœud commença à se défaire, éparpillant à la ronde l’énergie accumulée.

— La corruption mène à la mort.

L’esprit des boras explosa en mille étincelles.

Jacen entendit Saba rugir.

Il rouvrit les yeux. Sabre laser brandi, la Barabel se tenait devant Danni et lui, leur faisant un bouclier de son corps. Autour d’eux sifflaient des tentacules menaçants.

Ils se rétractèrent soudain, leurs pointes s’enroulant sur elles-mêmes. Les boras n’étaient plus une menace. Leur esprit s’était retiré en lui-même, pour mieux lécher ses blessures et explorer le soulagement inattendu qu’il éprouvait.

Mais Saba n’était pas disposée à baisser sa garde. En elle, la chasseresse prévalait.

— Tout va bien, Saba, dit Jacen en posant une main apaisante sur son épaule. C’est terminé.

Les muscles reptiliens de la Jedi se détendirent.

— Et, en un sens, ça ne fait que commencer…

Jacen pivota, n’en croyant pas ses oreilles. Il n’en crut pas non plus ses yeux…

— Mais… tu es morte !

Vergere sourit. Comme si elle attendait qu’il comprenne.

 

Jaina se tendit quand le vaisseau yuuzhan vong décolla à côté d’elle. Elle entendait encore l’écho électronique du message de Tahiri au commandant Vorrik, bref et simple…

— Les infidèles sont à votre merci, commandant ! Je vous les livre. Ecrasez-les sous vos talons tels des dweebits malades !

Le vaisseau était si près que Jaina fut surprise de ne pas le voir par la visière de sa combinaison. Sous le vacarme des moteurs, tous ses os vibraient.

Une onde de choc les affecta, ses compagnons et elle, dans le tunnel qui traversait un espar rocheux. Le vaisseau, ou un de ses chasseurs tsik seru, devait être tombé sur une des mines qui entouraient le transpondeur… L’explosion servit de signal à Jaina et son équipe. Emergeant de leur abri, armes au poing, ils se séparèrent en groupes de deux.

Jaina partit avec Eniknar, le Noghri que sa mère soupçonnait d’être un traître. Penché sur sa selle, il se jeta dans la bataille. Le garde klatooinien et Enton Adelmaa’j s’éloignèrent pour prendre les Yuuzhan Vong à revers. Gxin et Tahiri s’en furent de leur côté.

Une lueur infrarouge jaillit soudain devant eux.

L’évitant, Tahiri arma son canon laser dès qu’une silhouette sombre apparut.

Elle l’arrosa de salves, la survola puis refit un passage.

Le transport de troupes avait percuté la mine. Des cadavres sortaient d’un énorme trou, dans la coque, et des dizaines de guerriers reptiloïdes sortaient par une écoutille, trop éberlués pour riposter.

Tahiri visa l’intérieur du vaisseau, tira… et entendit une explosion.

— Des chasseurs en approche, annonça Eniknar dans son unité com.

Jaina vérifia son écran tactique. Aucun bip… Les chasseurs n’étaient donc pas des alliés. Elle survola une nouvelle fois le vaisseau, puis rejoignit le chef de la sécurité pour affronter les chasseurs ennemis. Sept tsik seru s’éparpillèrent sous les rayons laser. Jaina freina, vira à droite, puis revint sur leurs arrières. Tout espoir de contrôler le déroulement de la bataille s’évanouit. Elle n’y voyait plus grand-chose, mais canardait les ennemis qui se présentaient, arrachant de gros morceaux de corail yorik et faisant sauter les reptiloïdes.

Eniknar n’était nulle part en vue, mais c’était le cadet de ses soucis.

— Derrière toi, Jaina ! cria Jag, d’une voix étonnamment claire.

D’un coup d’œil par-dessus son épaule, la jeune femme vit deux tsik seru se mettre en position d’attaque. Elle se coucha à demi sur sa selle pour offrir une cible aussi réduite que possible, puis obligea les deux ennemis à la pourchasser, esquivant au passage des jets de plasma et des insectes-tonnerre. Arrivée devant une saillie rocheuse, elle vira à bâbord – trop vite pour que les chasseurs yuuzhan vong la suivent.

Quand ils débouchèrent de l’autre côté, elle se mit hors de portée de la mine qui allait exploser. Mais l’onde de choc la rattrapa et sa motospeeder heurta une formation rocheuse, l’arrachant à sa selle.

 

Tahiri fonçait vers l’ennemi. D’instinct, sa composante yuuzhan vong se méfiait de tout ce qui n’était pas vivant. Une philosophie qui ne contredisait pas sa formation de Jedi. La Force qui animait les êtres vivants était plus puissante et persuasive que n’importe quelle machine.

Le sergent Gxin la talonnait. Jaina avait atteint avant eux le vaisseau éventré, le mitraillant avec un bel enthousiasme. Tahiri ne jugea pas utile de s’acharner aussi sur la coque agonisante du transport de troupes… Elle suivit Gxin, à la recherche de cibles plus intéressantes. Il y avait au moins un autre transport de troupes, et un nombre inconnu de tsik seru convergeait vers le signal qu’elle avait envoyé au commandant Vorrik.

Trois tsik seru débouchèrent devant Tahiri, émergeant de l’obscurité. Sa nouvelle personnalité unifiée fonctionnant bien, elle n’eut pas la moindre hésitation.

Elle était devenue quelqu’un de terriblement dangereux et efficace…

Si on ne pouvait pas détourner les jets de plasma au sabre laser, il était possible, via la Force, de fermer les orifices de tir des tsik seru.

La jeune femme appliqua une poussée de Force au moment adéquat, enrayant les canons ennemis… La déflagration emporta le flanc triangulaire du chasseur.

Ejecté, le pilote yuuzhan vong s’écrasa sur le sol.

Satisfaite du résultat de sa petite manœuvre, Tahiri passa aux deux chasseurs restants, qui s’écrasèrent à leur tour au sol. Une motospeeder passa devant elle, avançant avec difficulté. A travers le casque, Tahiri reconnut Droma.

— Des problèmes ? demanda-t-elle.

— Une vanne de direction touchée, répondit le Ryn.

— Vous vous débrouillerez ?

— Tant que personne ne se met en travers de mon chemin…

Il y eut un frémissement dans la Force… Tahiri explora mentalement les environs.

— Jaina a été projetée à terre, dit-elle.

— Où ? demanda Droma.

Sans répondre, Tahiri fonça dans la direction où elle avait perçu sa présence.

 

— Le corail skipper ! cria Tekli. Il se transforme !

— Je ne comprends pas, fit Mara. Comment se transforme-t-il ?

— Il change de forme, et sa signature gravifique se modifie… Il est plus rapide. Et il tourne !

— Il revient vers nous, annonça la capitaine Yage, plus calme que la Chadra-Fan. Quoi qu’il en soit, nous sommes prêts !

— Vous êtes si peu préparés, dit une nouvelle voix, à droite de Luke, que c’en est presque drôle…

Skywalker se tourna, et découvrit un jeune garçon, sur le seuil de l’habitation. Environ douze ans, les yeux bleus et un visage rond entouré de cheveux blonds, il avait l’air amusé.

— Que signifie ? s’exclama Rowel, fronçant les sourcils. Qui êtes-vous ?

Il foudroya Skywalker du regard, comme si la présence de l’enfant était une nouvelle ruse du Jedi…

La preuve, pensa Luke, que les Ferroans connaissaient bien peu leur propre planète…

Il approcha prudemment du garçon aux yeux bleus fascinants de profondeur… L’esprit caché derrière ce regard était puissant – autant que celui de Jabitha, sur le terrain d’atterrissage.

Une seule personne pouvait avoir un tel pouvoir. Même si ce n’était pas réellement une personne…

— Est-ce… ? commença Mara.

Luke s’accroupit près du garçon. Stupéfait, il dévisagea le sosie de…

… Anakin Skywalker.

— Mon père ? acheva Luke. Non. C’est Sekot !

L’apparition sourit.

— Vous êtes intelligent, Luke Skywalker. Votre père aurait été fier de l’homme que vous êtes devenu.

— Sekot ? répéta Rowel, l’air gêné par sa réaction initiale. Pardonnez-moi, je vous prie.

Le garçon et Luke ne lui prêtèrent aucune attention.

— Pourquoi avez-vous pris cette apparence ? demanda le maître Jedi.

— Tous ceux qui ont un pouvoir doivent faire un choix. C’est difficile, et la décision est différente pour chacun. Seul le temps nous apprend si le choix était correct.

Sekot posa une main sur la joue de Luke.

— C’est ainsi que votre père m’est apparu, il y a bien des années. Ensemble, nous fûmes confrontés au même choix. Nous attendons encore de savoir si nous avons bien fait.

Luke sentit Mara lui envoyer mentalement son amour et sa sympathie. Pétrifié, il contemplait les yeux du garçon.

De la même couleur que les miens…

Mais ce n’était pas seulement une question de couleur : leurs yeux étaient identiques.

— C’est à ça que ressemblait Dark Vador ? demanda Hegerty.

— Comme tout le monde, il a été un enfant, dit doucement Mara.

— Maître Skywalker, annonça Yage, le vaisseau non identifié approche toujours de Zonama Sekot, et refuse de nous répondre. Nous sommes en alerte rouge. Il vous suffit d’un mot…

Luke se redressa.

— Ne faites rien pour le moment. Ce vaisseau n’a pas l’intention de nous attaquer.

Le sosie de son père gagna le centre de la pièce. Sentant l’attention de la planète rivée sur lui, Luke lui fit face. Pourquoi n’avait-il pas compris plus tôt ce qui se passait ?

— Avons-nous agi conformément à vos attentes ?

— Si je vous disais non, que feriez-vous ?

Luke haussa les épaules.

— Tout dépendrait des choix qu’il me reste.

— Vous n’en avez aucun, répondit le garçon en souriant. C’est si amusant !

— Alors, votre question n’a pas de sens.

— Peut-être… Mais ce qui s’est passé en avait un. Depuis votre arrivée, j’en ai appris beaucoup plus sur les raisons de votre présence que vous n’aviez l’intention de révéler. Peut-être davantage que vous n’en savez vous-même.

— Alors, vous n’ignorez pas que nous sommes à la recherche d’une réponse.

— Non. Mais je n’en ai pas de toute prête à vous fournir.

— A ce stade, n’importe laquelle serait la bienvenue.

— Très bien, répondit Sekot, leur faisant signe de s’asseoir.

Luke obéit, soulagé. Face au jeune garçon, des émotions contradictoires l’assaillaient, même s’il avait conscience que ce n’était pas réellement son père.

Quand tout le monde fut assis, Sekot commença.

 

Jag plongea lorsque le tsik seru le frôla, son basal dovin le soulevant légèrement de sa selle.

Il ralentit, s’apprêtant à revenir vers le chasseur yuuzhan vong, mais celui-ci, plus rapide, approchait de lui. Le visage du pilote était couvert de cicatrices, et en partie caché par un gnullith. Mais pas assez, au goût de Jag ! Il mitrailla le petit vaisseau, forçant le pilote yuuzhan vong à virer de bord. Puis il disparut dans l’air épais.

Se demandant ce qui avait détourné le Yuuzhan Vong de sa proie, Jag se lança à ses trousses. Sa motospeeder le protégeait moins qu’un chasseur, mais elle était beaucoup plus rapide. Il rattrapa le tsik seru, le vit se préparer à tirer, puis… exploser soudain et s’écraser contre un des « stalagmites » qui émaillaient la surface de la planète.

A ce moment, Jag vit ce qui était de l’autre côté.

Il reconnut trois silhouettes humaines adossées à un rocher. Deux tiraient, tenant à distance deux autres tsik seru et un groupe de reptiloïdes. La troisième semblait avoir du mal à rester debout.

Jag canarda l’infanterie ennemie. Une dizaine de soldats tombèrent.

— Jag, par ici !

C’était la voix de Tahiri. Elle tenait en respect quatre reptiloïdes, dont deux maniaient des coufees. Les deux autres lançaient des insectes-tonnerre à tout-va. Jag lâcha une bombe thermique au milieu du groupe de reptiloïdes et mitrailla ceux qui brandissaient des coufees.

Quand la mine explosa, des lambeaux de reptiloïdes volèrent à la ronde…

Jag rejoignit Tahiri.

— Jaina était tombée, dit-elle en aidant son amie à se relever.

Jag sauta de sa motospeeder.

— J’ai les pieds gelés, dit Jaina d’une voix pâteuse.

— Sa combinaison est défectueuse, précisa Tahiri. Il faut la sortir de là sans tarder !

— Jaina ? fit Jag. Tu m’entends ?

La jeune femme se secoua, mais ses réactions étaient lentes.

— Jag ? Oui, ça ira… Donne-moi une seconde…

— Je déteste apporter de mauvaises nouvelles, intervint Droma, mais…

Il montra quelque chose, derrière Jag. Le jeune homme se retourna, et vit les reptiloïdes survivants courir vers eux.

Retournant vers sa motospeeder, il prit son charric.

— Nous n’avons pas beaucoup de temps. Où est la moto de Jaina ?

— Là-bas, répondit Tahiri en montrant l’épave de la motospeeder.

— Bon. Qu’elle prenne mon véhicule et retourne à la station de relais. C’est notre seul abri. Je rentrerai avec Droma.

— Non, je pars avec elle, dit Droma. Il ne faut pas qu’elle pilote seule. En outre, je connais le chemin.

Même si Jag répugnait à perdre un nouveau combattant, il céda. Raccompagner Jaina s’imposait, au cas où elle s’évanouirait.

— Allez-y, dit-il. Nous couvrirons votre retraite.

Droma aida Jaina à grimper sur la motospeeder de Jag.

Le Ryn s’installa derrière elle et activa le moteur.

— Gardez un œil sur Eniknar, dit-il.

— D’accord, répondit Tahiri.

Droma démarra.

— Où sont nos motospeeders, Tahiri ? lança Jag en tirant sur des reptiloïdes.

Tahiri désigna un cratère, derrière la ligne d’ennemis.

— Un tsik seru les a descendues avant que nous puissions l’avoir ! Nous avons tenté d’appeler à l’aide, mais rien ne passe. Une chance que vous soyez arrivés…

— Nous ne sommes pas tirés d’affaire…, dit Jag.

Tahiri sourit.

— Maintenant, Jaina est en sécurité, et je n’ai plus à surveiller mes arrières ! Tenez bon, colonel. Nous nous sortirons de cette mauvaise passe.

Recourant à la Force, elle sauta sur le rocher et tira sur les reptiloïdes.

 

Leia faisait les cent pas dans la baie des passagers du Faucon. Elle aurait voulu pouvoir agir. Elle avait senti Jaina plonger dans l’inconscience, et subi dix minutes pénibles avant de sentir sa fille commencer à récupérer un peu. Il n’en restait pas moins qu’on livrait un combat, dehors, et qu’elle était trop loin pour contribuer à la victoire.

Un bip retentit dans le cockpit. Elle courut vérifier les instruments, et vit défiler sur l’écran des données télémétriques envoyées par Pellaeon. Les scans de surface montraient une activité frénétique près du transpondeur. Cinq mines au moins avaient explosé, transformant les nuages glacés en ouragans relativement chauds. Elle espéra que les Etres de Glace se tenaient à l’écart, comme on le leur avait recommandé.

En orbite, la situation changeait. Suite au manque de progrès rapide, au sol, Vorrik amenait ses vaisseaux à portée de bombardement… Pellaeon avait répondu à la menace en envoyant des bâtiments supplémentaires dans ce secteur. Leia comprit que la situation devenait critique. Soit les troupes au sol remporteraient une victoire rapide, soit la bataille reprendrait en orbite…

Au moins, la station de relais était en sécurité. Un maigre réconfort, au milieu d’un tel chaos… Et encore, Leia ne pouvait pas se plaindre : elle était là depuis des heures, alors qu’Ashpidar et son équipe se cachaient depuis des jours.

Repensant au commandant de la base, elle ouvrit une fréquence.

— Ashpidar ? Si vous êtes intéressée, j’ai reçu des informations télémétriques de Pellaeon.

Il n’y eut pas de réponse.

 

— Sekot !

Le cri surpris de Jabitha tira Jacen de sa stupeur. Bouche bée, il contemplait l’image de Vergere vêtue de robes marron, ses grands yeux noirs rivés sur lui… La frange de plumes, autour de son visage, était sèche malgré la pluie.

— Vous n’êtes pas Vergere, n’est-ce pas ?

Impossible qu’il s’agisse de son professeur… Jacen le savait. Et la présence, derrière l’image, était bien davantage que le simple écho de quelqu’un qui avait vécu autrefois…

— Je viens à vous sous cette apparence en hommage à celle que nous avons tous les deux bien connue. Une de vos proches, en qui vous aviez confiance.

— Sekot est coutumière du fait, expliqua Jabitha. Elle apparaît parfois sous la forme de mon père, ou de votre grand-père. D’autres fois, et c’est très déconcertant, elle se manifeste sous ma propre apparence !

Jacen se rappela une remarque de la véritable Vergere… Présente lors de la naissance de la conscience de la planète, elle avait pris la personnalité de son Magistère mort et communiqué avec elle et avec les Yuuzhan Vong…

Jacen le savait depuis le début, et il n’avait pas compris que…

— Pourquoi maintenant ? demanda Saba, étonnée. Et pas avant ?

— Elle l’a déjà fait, assura Jacen. A notre arrivée. Oncle Luke et tante Mara n’ont pas parlé à la Magistère, mais à Sekot, qui avait pris l’apparence de Jabitha…

— Ça ne nous explique toujours pas pourquoi…

Jacen vit Saba, l’air incertain, Danni, toujours inconsciente, Senshi, qui maintenait l’arme contre la tempe de Jabitha…

— Vous nous avez mis à l’épreuve, n’est-ce pas ?

— Je vous ai mis à l’épreuve, Jacen Solo.

— Ai-je passé l’examen ?

Au lieu de répondre, Sekot se tourna vers Senshi. Le vieux Ferroan lâcha Jabitha, qui s’assit en se massant la tempe, puis se leva. Sekot regarda Danni, étendue sur la civière. Soudain, la jeune scientifique gémit.

Soulagé, Jacen s’agenouilla près d’elle.

— Danni ?

La scientifique rouvrit lentement les yeux, étonnée.

— Où suis-je ? Je me souviens du toit qui m’est tombé dessus…

— Tout va bien, Danni. Tu es en sécurité, maintenant.

La jeune femme vit les Ferroans armés qui les entouraient.

— C’est la définition de la « sécurité », chez les Solo ?

— Il ne vous sera fait aucun mal, assura Vergere en se rapprochant.

Les yeux de la jeune femme s’écarquillèrent de surprise.

— Mais… Je croyais que…

— Ce n’est pas Vergere, lança Jacen.

— Mais Sekot, précisa Saba en éteignant son sabre laser.

Danni se tourna vers Jacen.

— Je ne comprends pas.

— Moi, je crois que je commence à comprendre, dit-il. Tout ça était une ruse destinée à voir comment je réagis sous la menace. Par le combat, ou la fuite ? Vais-je défendre ceux que j’aime, ou m’en servir comme des boucliers ?

— Ou essayez-vous de prendre la voie médiane, ajouta Sekot, en permettant aux deux côtés de vaincre ?

— Je suis désolée, dit Jabitha. Je savais que Sekot avait l’intention de vous tester, mais j’ignorais de quelle façon. Je l’avais convaincue de le faire, plutôt que de vous croire sur parole. Je n’avais pas idée que vos vies seraient en danger…

— Inutile de vous excuser, assura Jacen en se tournant vers Vergere. Sekot a gardé Danni inconsciente, et elle s’est servie de Senshi pour le rapt. Tout comme elle a utilisé les boras pour nous menacer…

— En fait, les boras agissaient de leur propre chef. On ne peut pas les contrôler, uniquement les provoquer ou les calmer. Vous deviez résoudre ce problème seul. Mais le reste est vrai. Etes-vous en colère ?

L’aspect de Vergere était parfait pour Sekot, pensa Jacen. Car il recourait au même type d’astuce destinée à améliorer son esprit que Vergere utilisait pendant son apprentissage.

— Non, répondit-il. Je voudrais seulement savoir pourquoi.

— Avant d’accéder à votre demande, je devais comprendre à quel type de guerrier j’avais affaire.

— Je ne suis pas très à l’aise avec le terme guerrier, dit Jacen. Un Jedi incarne la paix, pas la guerre.

— Vous ne pensez pas qu’il soit bon de se battre pour la paix et la liberté ? demanda Sekot d’un ton moqueur.

— Je crois qu’il devrait exister un moyen d’obtenir la paix sans se battre.

— L’avez-vous trouvé, Jacen Solo ?

Le jeune homme baissa les yeux, ennuyé de devoir reconnaître un échec devant son ancien professeur – fût-il une illusion.

— Non.

— Mais ça ne vous empêche pas de continuer à chercher.

Il releva la tête.

— Comme la véritable Vergere me l’a dit un jour, j’ai choisi mon destin. Maintenant, j’assume les conséquences.

— Comme nous tous, souligna Sekot. Comme nos prédécesseurs. Notre galaxie est le résultat de leurs décisions, et nos descendants hériteront de l’univers qu’engendreront les nôtres. Chaque génération a la responsabilité de faire les bons choix.

— Quelle sera votre décision, Sekot ? Quelle galaxie laisserez-vous aux générations futures ?

Sekot sourit.

— D’abord, permettez que je vous parle un peu de moi, Jacen Solo.

 

— Pas de message du sol pour le moment.

— Et ces bombardiers ?

— Confirmation de l’insertion orbitale pour attaque à la surface.

— Canardez-les ! ordonna Pellaeon.

L’Inflexible se mit aussitôt en orbite basse. Des centaines de chasseurs Tie sortirent de ses hangars de décollage. Les turbolasers lourds visèrent les bombardiers se préparant à attaquer le transpondeur à la surface d’Esfandia.

Pellaeon était sûr que Vorrik réagirait en conséquence et que la bataille gagnerait en intensité, mais c’était inévitable. S’il semblait vain de défendre un leurre, c’était pourtant nécessaire. Avec un peu de chance, Vorrik épuiserait son énergie sur la cible terrestre, pendant que Pellaeon éliminerait ses escadrons en orbite.

Des éclairs parcoururent l’écran quand les chasseurs impériaux attaquèrent les Yuuzhan Vong. Le Kur-hashan se heurta à une vague de perturbations gravifiques, tous ses basal dovins lançant des rayons d’énergie…

— A tous les vaisseaux, ordonna Pellaeon, feu à volonté !

 

La première sensation consciente de Jaina ? Elle ne sentait plus son pied gauche. Et l’engourdissement grimpait le long de sa jambe.

La deuxième ? Celle d’être en mouvement.

Rouvrant les yeux, elle sursauta en constatant qu’elle volait !

— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle en s’accrochant d’instinct à son siège rembourré.

— Tenez bon, Jaina ! répondit la personne installée devant elle.

— Droma ?

— Comment vous sentez-vous ? demanda le Ryn.

Jaina chercha du regard les tsik seru.

— Comme une imbécile ! J’ai été éliminée avant que la bataille commence !

— Ne vous frappez pas ! Ce genre d’ennuis peut arriver aux meilleurs d’entre nous. Je vous ramène au Faucon. Votre combinaison fuit…

— Je sais. Je le sens.

Jaina rassembla ses souvenirs. Elle revoyait vaguement Jag et Tahiri, mais… tout était brouillé.

— Tout se passe selon nos plans, ajouta Droma. Ne vous inquiétez de rien.

Jaina leva les yeux juste à temps pour voir une silhouette sombre plonger sur eux.

— Couchez-vous ! cria-t-elle en plaquant le Ryn sur la selle et en s’aplatissant sur lui.

Elle espéra qu’aucun obstacle ne se dresserait devant eux…

Le ventre du transport de troupes l’effleura. Droma reprit le contrôle de la motospeeder, légèrement déviée de sa trajectoire.

— Croyez-vous qu’il nous ait vus ? demanda-t-elle.

— Je n’en suis pas sûr, avoua le Ryn.

— Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas courir le risque qu’il nous suive jusqu’à la station. Ne bougez pas !

Droma obéit.

— Vous pensez que nous devrions revenir en arrière et les distraire ? demanda-t-il. Ou avertir les autres ?

— Oui. Ça vous pose un problème ?

— Non, mais je n’ai pas envie que vous mouriez gelée !

— Une perspective qui ne me sourie guère non plus…, dit Jaina. Mais c’est un risque à courir.

— Trop dangereux ! protesta Droma. De plus, je doute que ces Vong s’intéressent à nous. Nous quittons la zone de combat, après tout !

Jaina jeta un coup d’œil par-dessus son épaule.

— Alors, vous devriez le leur dire…

Imitant sa compagne, Droma cracha un juron qui aurait fait rougir Yan.

Jaina sentit le moteur gronder sous elle, et la motospeeder fonça à pleins gaz pour semer les deux tsik seru qui s’étaient lancés à leurs trousses.

La jeune femme fouilla les poches de sa combinaison. Par chance, le froid n’avait pas encore ankylosé ses doigts. Elle trouva à tâtons son sabre laser, un blaster et deux détonateurs thermiques. Elle en sortit un et l’activa.

— Virez quand je vous le dirai, ordonna-t-elle.

— Dans quelle direction ?

— N’importe ! (Elle lança le détonateur.) Allez-y !

La déflagration faillit l’aveugler à cause des systèmes d’augmentation de la luminosité intégrés à son casque. Quand sa vision revint, Jaina s’aperçut que Droma avait plongé dans une crevasse du sol.

— Vous les avez eus ? demanda Droma.

— Un, je crois…

Elle vit une ombre, au-dessus d’eux. Un tsik seru avait échappé à l’explosion, et il entendait les rattraper.

Des insectes-filets jaillirent d’une écoutille, forçant Droma à freiner. Ils arrivèrent à éviter les créatures, mais pas les fils collants qu’elles lançaient… Deux se fixèrent sur le dos de Droma, et un en travers de la visière de Jaina. Au bout de chaque fil, un des insectes vermiformes, long comme un doigt, se propulsa lentement vers eux.

Jaina voulut arracher les fils du dos de Droma mais ils refusèrent de céder. Elle sortit son sabre, et coupa les fils puis s’attaqua à celui qui s’était fixé sur son casque. L’insecte était à moins d’un mètre d’elle…

Trois de moins, pensa-t-elle.

Mais elle ignorait combien il en restait sur eux. S’il y en avait dans son dos, elle ne pourrait pas les trouver à tâtons, les gants étaient trop épais pour quelque chose d’aussi fin. Il suffirait qu’un insecte se fixe au mauvais endroit, au mauvais moment…

— Posons-nous ! C’est le seul moyen de nous assurer qu’il n’y en a pas d’autres.

— Mais le chasseur…, protesta Droma en montrant le tsik seru, au-dessus d’eux.

Il s’interrompit en voyant un insecte-filet approcher de la main de Jaina.

Il posa la motospeeder à la hâte sur de la neige à base de gaz carbonique. Jaina essaya de ne pas penser à ce que ses orteils subiraient. Il y avait plus urgent pour le moment.

Elle sauta de la motospeeder, Droma sur les talons. Il luttait vainement pour déloger les insectes-filets qui s’étaient accrochés à lui.

Quand il vit Jaina approcher avec son sabre laser, il recula.

— Doucement avec ce truc ! Si vous entamez ma combinaison…

Il se tut. Elle coupa habilement les fils accrochés à lui, puis ceux qui étaient sur sa propre combinaison.

— Sur votre cuisse, dit Droma. Et votre épaule !

Jaina entendit quelque chose crépiter derrière sa tête quand elle frappa à l’aveuglette.

— C’est bon, ajouta Droma, il n’y en a plus. Et maintenant…

Il n’eut pas le temps de finir. D’autres fils tombèrent autour d’eux. De retour, le tsik seru avait lâché d’autres insectes… Sans réfléchir, Jaina les empêcha d’approcher.

— Beau travail ! approuva Droma. Mais j’ai peur que le répit soit temporaire.

Le tsik seru s’inclina vers eux.

— Il va nous tirer dessus ! dit Jaina, se préparant à courir.

— Faites comme Tahiri ! cria Droma.

— Quoi ?

— Elle a bouché les orifices de sortie des lanceurs de plasma !

— Comment ?

— Je l’ai vue faire quand vous étiez évanouie. Croyez-moi, ça marche !

Perplexe, Jaina ferma les yeux pour réfléchir. Mais son instinct alla plus vite que sa pensée. Elle leva le poing au moment où l’arme organique allait tirer.

Le jet de plasma se heurta à la volonté implacable de Jaina. Dévié, il fit sauter un côté du chasseur. L’autre explosa peu après, les arrosant de débris brûlants. De la vapeur monta de la neige, sous leurs pieds. Ils se jetèrent à plat ventre, se protégeant la tête avec les bras.

Levant les yeux, Jaina vit le tsik seru tomber dans la crevasse et rouler vers eux, à l’instar d’une boule de feu géante. Elle attrapa Droma et le tira juste à temps hors de la trajectoire de la créature.

Droma se releva et contempla les restes du chasseur.

— Eh bien ! C’était un poil trop près, à mon goût !

— Et encore, il ne s’est pas écrasé sur la motospeeder ! rappela Jaina.

Soudain, un rugissement, dans les récepteurs extérieurs de la combinaison, les assourdit. Une créature de flammes se dressa devant eux, son visage noirci traversé par une balafre béante là où la bouche aurait dû être…

— Jeedai !

Jaina comprit aussitôt que seules les flammes conservaient en vie le pilote yuuzhan vong dans l’atmosphère glaciale d’Esfandia… Elle voulut se remettre en position de défense, mais son pied gelé la trahit et elle tomba devant le guerrier.

Droma tentant de s’interposer, le Yuuzhan Vong le projeta loin de lui.

Le pilote brandit une écharde de corail yorik pour la lui enfoncer dans le corps.

Jaina avait perdu son sabre laser dans sa chute.

Soudain, quelque chose bougea derrière la jeune femme, dans la direction opposée à Droma. Les yeux du Yuuzhan Vong se détournant brièvement, Jaina le frappa d’un coup de pied et se releva en appelant à elle son sabre laser. Dès qu’il fut revenu se nicher dans sa main, elle l’activa, prête à affronter le guerrier qui avait repris son équilibre.

Sous ses yeux, le pilote se couvrit de glace, puis s’effondra, entièrement gelé.

Jaina recula et baissa sa lame. Elle aurait dû réagir plus vite ! Elle était encore sous le choc, et le froid avait maintenant atteint ses genoux, mais sans…

Elle sursauta au souvenir de ce qui lui avait sauvé la vie. Quelque chose avait distrait le pilote au moment où il allait la poignarder, et ce n’était pas Droma, qui se remettait péniblement debout.

Au-dessus de Jaina, un indigène flottait dans l’air. Avec sa gueule hérissée de tentacules et ses organes bizarres puisant sous sa peau translucide, il était franchement terrifiant. Et les centaines de petits « yeux », autour de sa gueule, semblaient rivés sur elle.

Il dérivait vers le haut. Quelques mètres plus loin, il accéléra et disparut.

Un gémissement arracha Jaina à sa fascination. Droma se tenait la tête à deux mains.

— Filons…

— C’est mon tour de conduire, répondit Jaina.

Elle vit un demi-sourire se dessiner sous le nez en forme de bec du Ryn.

— J’espère qu’on ne fera plus de mauvaises rencontres.

— On a eu notre part pour aujourd’hui ! convint Jaina.

Elle se remit en selle en aidant Droma à grimper derrière elle.

— Les Solo semblent très doués pour se fourrer dans des ennuis, grommela le Ryn. C’est peut-être génétique !

— Eh, c’est l’univers qui a des problèmes ! Le boulot des Solo, c’est de les régler !

Le Ryn éclata de rire. Jaina remit les gaz et quitta la crevasse.

 

Tahiri plongea, évitant un coufee. Elle frappa le reptiloïde qui se dressait devant elle. La créature s’effondra dans la neige.

— Jag, par ici !

Suivie par le jeune pilote, elle gravit la pente raide, tirant sur tout ce qui bougeait. Arrivée sur la crête, elle ne s’attarda pas, consciente d’offrir une cible idéale à l’ennemi.

Apercevant une motospeeder impériale, de l’autre côté du transpondeur, elle l’appela sur son unité com, agitant les bras.

— Par ici !

— Tahiri, c’est toi ? demanda Yan.

— Je suis avec Jag. Nous avons perdu nos motospeeders.

— J’arrive !

Yan Solo arriva, suivi par Adelmaa’j. Ils mitraillèrent les reptiloïdes avant de s’arrêter devant Tahiri et Jag.

— Ravis de vous revoir ! lança Yan. Nous commencions à nous inquiéter…

— Ça n’est pas fini, dit Tahiri. Voilà le deuxième vaisseau !

Yan grogna.

— Bon. On passe au plan B.

Il fit signe à Tahiri de monter derrière lui. Jag sauta sur la motospeeder d’Adelmaa’j.

Ils se séparèrent pour localiser les autres motospeeders et les rejoindre. Il en manquait une, celle du chef de la sécurité de la base.

Yan fronça les sourcils.

— Nous ne pourrons pas dissimuler plus longtemps aux Yuuzhan Vong que la base n’est pas là, dit-il. Surtout si Eniknar nous a trahis… Plus tôt nous filerons, mieux ça vaudra.

Le technicien sortit un détonateur et saisit un code sur son clavier. Après une seconde, il recommença.

— Il y a un problème, annonça-t-il. J’essaie d’armer les charges, mais l’antenne doit être endommagée.

— Ou elle a été sabotée, grogna Yan. D’accord. Il faut aller les armer manuellement.

— Je m’en occupe, dit Tahiri.

— Je viens avec vous, ajouta Jag.

— Je peux me débrouiller seule, répondit la jeune femme.

— Je sais. Je viens quand même.

Elle comprit ce qu’il sous-entendait, mais ça ne la gêna pas. Si l’accompagner faisait comprendre à ses compagnons qu’elle ne les trahirait pas, tant mieux !

Le technicien expliqua la procédure. Il suffisait de saisir le code sur le clavier de la boîte de commande, cachée à la base du transpondeur. Il resterait ensuite une minute pour se mettre à l’abri.

— Parfait, dit Jag. Nous vous rejoindrons à la station.

— Pilotez bien, recommanda Yan.

— Comme toujours, répondit Jag.

 

— En devenant consciente, dit Sekot, j’ai pu communiquer avec le premier Magistère. Le père de Jabitha fut le deuxième, et lui a compris ce que j’étais. Il m’a aidée à accepter mon potentiel, puis à survivre à l’attaque des Etrangers qui avaient dévasté mon hémisphère sud. Il m’a encouragée à transformer mes chantiers navals pour fabriquer des armes et des équipements nécessaires à la survie. Quand nous avons été de nouveau menacés, j’ai survécu, et emmené mes habitants en sécurité au terme d’un périlleux voyage. Bien entendu, j’ai trouvé le temps de réfléchir à tout ça après être arrivé ici…

En dépit de sa puissance, l’être qui avait pris l’apparence d’Anakin Skywalker paraissait incertain.

— Je me suis d’abord demandé d’où je venais. Le père de Jabitha pensait que j’étais une émanation du Potentium, cette énergie vitale qui emplit l’univers. Mais dans ce cas, pourquoi des planètes vivantes ne sont-elles pas apparues ailleurs ? Pourquoi étais-je la seule dans une galaxie pleine de centaines de millions de planètes ?

« J’ai passé des décennies à y réfléchir. Anakin Skywalker m’a jadis décrite comme une “immensité” en même temps qu’une “unité”. Tous les êtres vivants pourraient être définis ainsi par les créatures qui les habitent. Beaucoup de bactéries circulent dans votre système digestif. De leur point de vue, vous êtes indéniablement des « immensités ». Mais en même temps, vous êtes des unités.

La réalité de votre être se situe au niveau cellulaire, dans vos gènes. J’en suis venue à penser qu’il en allait de même pour moi. Ceux qui habitent ma surface comptent autant pour moi que les boras, l’atmosphère ou le soleil. Sans eux, je serais stérile.

— Font-ils partie de votre esprit ? demanda Hegerty.

— Diriez-vous que les microbes qui résident dans votre estomac font partie du vôtre ? riposta Sekot. Non. Dans mon cas, ils remplissent un autre rôle que vous auriez du mal à comprendre. Mais j’ai autant besoin d’eux qu’eux de moi. Sans eux, je n’existerais peut-être pas. Ou je serais devenue faible et inutile comme les boras sauvages que Jacen a rencontrés récemment.

Luke sursauta.

— Vous savez où il est ?

— Je lui parle, ainsi qu’à ses compagnons, en ce moment même.

 

Après avoir éliminé un tsik seru en chemin, Tahiri et Jag arrivèrent sans encombre au transpondeur.

Le boîtier de commande du détonateur était caché sous l’antenne, trop bas pour que la motospeeder y entre. Ils le cachèrent et se glissèrent dans la cavité, slalomant dans un labyrinthe de câbles et de poteaux.

Ils trouvèrent le détonateur à l’endroit décrit par le technicien.

Jag ouvrit le dessus du dispositif avec les trois premiers codes livrés par ce même technicien. Le deuxième code lui permit de régler le délai, qu’il fixa à une minute.

— Confirmez le dernier code, demanda-t-il à Tahiri.

— Zéro-huit-huit-deux-trois-quatre-un-zéro-trois-zéro.

— C’est ça.

Jag commença à saisir le code. Il lui en restait deux quand une silhouette noire passa devant sa visière. Il recula et saisit son charric à l’instant où une gerbe d’étincelles jaillissait du boîtier.

Plus rapide que Jag, Tahiri frappa deux autres insectes-tonnerre avec son sabre laser. Puis elle se jeta sur le guerrier yuuzhan vong qui chargeait en brandissant un bâton amphi.

De peur de toucher Tahiri, Jag ne bougea pas. Il était néanmoins prêt à intervenir. Mais la jeune femme se débrouillait très bien sans lui. Elle para les coups du bâton et se débarrassa du guerrier d’une frappe qui l’ouvrit du ventre au menton.

Quand elle revint vers Jag, elle n’était même pas essoufflée.

— Quels sont les dégâts ?

Jag examina l’unité. La surface fondue, les touches n’étaient plus éclairées.

— Ça ne doit pas être bon signe…, dit-il.

— Nous devons faire marcher ce truc !

Le jeune homme se pencha et étudia le boîtier de plus près.

— Je crois que l’unité proprement dite est intacte. Il doit y avoir un autre moyen de l’activer…

Quelqu’un survint en titubant. Tahiri bondit, et… se détendit. Sous la visière de la combinaison de l’Alliance Galactique couverte de gel et de sang, Jag découvrit un visage reptilien.

— Eniknar ?

Jag vit des lèvres bouger, mais il n’entendit rien.

— Son unité com est fichue, dit Tahiri en soutenant le Noghri. Si vous appuyez votre casque contre le sien, vous devriez pouvoir entendre ce qu’il dit.

— Il y a un déclenchement manuel…, lâcha le chef de la sécurité d’une voix rauque.

Il saisit le boîtier et ouvrit la face amère, dévoilant une série de boutons multicolores.

— Déclenchement manuel… codé, marmonna-t-il en s’effondrant contre Tahiri.

— Il y a un minuteur ?

Le Noghri secoua la tête.

— Si quelqu’un l’active, il saute avec ?

Il acquiesça.

Jag et Tahiri se regardèrent.

— Moi, souffla le Noghri. Je le ferai. Je connais le code…

— Non, dit Jag. Donnez-nous le code. Tahiri peut se servir de la Force pour appuyer sur les boutons en étant à une bonne distance de sécurité.

— Pas le temps… Et même si on l’avait, on ne peut pas fuir à trois sur une motospeeder.

— Comment savoir si on peut faire confiance à Eniknar ? ajouta Jag, s’éloignant du blessé pour qu’il n’entende pas. Droma nous a demandé de nous méfier de lui, exact ? Leia pense que c’est un traître. Et si c’était une ruse ?

— Non, assura Tahiri.

— Comment pouvez-vous en être sûre ?

La jeune femme regarda intensément Eniknar.

— Je le suis.

— Entendu. Cela dit, rien ne l’oblige à se sacrifier.

— Jag, nous n’avons pas le temps de discuter. Regardez-le : je doute qu’il lui reste longtemps à vivre.

Jag soupira. Elle avait raison.

Il se pencha vers Eniknar.

— Vous êtes sûr ?

— Comme ça… au moins… j’aurai une mort… honorable.

Jag comprit que l’heure n’était plus à l’indécision. Les forces du Noghri déclinaient rapidement. Il ne serait plus longtemps en état de mettre son plan à exécution.

Jag posa le boîtier sur la poitrine du Noghri, et Tahiri le scotcha en place.

— Vingt secondes, dit-elle, puis entrez le code, d’accord ? Ça nous donnera le temps de filer.

Eniknar avait les yeux fermés, mais il était conscient.

— Je peux attendre… jusque-là…

Ils le laissèrent appuyé contre un pilier. Alors qu’ils battaient en retraite, Jag entendit la voix de Tahiri dans son casque.

— Rrush’hok ishnar vinim’hok, murmura-t-elle doucement.

— Qu’est-ce que ça signifie ?

— C’est une bénédiction yuuzhan vong. « Meurs bien, noble guerrier. »

Jag fut troublé par la culture yuuzhan vong de sa compagne.

— Je suppose que les autres lui doivent des excuses.

— Je m’assurerai qu’il les reçoive, le moment venu.

— Ce sera un peu tard, vous ne croyez pas ?

— Pas pour nous, qui nous souviendrons de lui.

Le sacrifice d’Eniknar troublait Jag pour beaucoup de raisons. Les Chiss considéraient le suicide comme un acte injustifiable. Pourtant, dans ce cas, cela sauverait de nombreuses vies…

Restait une question gênante : si Eniknar n’était pas le traître, de qui s’agissait-il ?

 

— Votre oncle demande de vos nouvelles, dit Vergere à Jacen.

Saba ne fut pas particulièrement surprise que Sekot ait le don d’ubiquité.

— Je lui ai dit que vous alliez bien, répondit Sekot, et qu’aucun mal ne vous arrivera, maintenant que l’épreuve est terminée.

— Avez-vous aussi testé les Ferroans ? demanda Saba, exaspérée.

— A mon réveil, ils étaient là. Je soupçonne que j’avais besoin de leur présence pour arriver à la conscience totale.

— Ça n’explique pas d’où vous venez, souligna Danni. Si vous n’étiez pas une simple combinaison d’éléments attendant une civilisation pacifique pour démarrer votre évolution vers la conscience, qu’étiez-vous ? Comment en êtes-vous venue à exister ?

La scientifique ne semblait pas avoir souffert de sa longue inconscience.

— Je me suis souvent posé la question, admit Sekot. Mais je n’ai jamais pu y répondre de façon satisfaisante. La compréhension de la Force du père de Jabitha était incomplète, je le sais maintenant. Il pensait que tout était uni dans le Potentium. Mais les Jedi nous ont montré que le mal existe, et les Etrangers sont vivants en dehors de la Force. J’ignore donc d’où je viens.

— Nous y avons réfléchi, dit Danni, et il y a plusieurs possibilités.

— J’aimerais en débattre avec vous. Plus tard ! Pour le moment, j’ignore toujours d’où je viens. Je n’ai jamais rencontré d’autre être comme moi dans la galaxie, et cela me donne à penser. Pour arriver à la conscience, j’avais sans doute besoin que d’autres êtres soient prêts à m’accueillir et à me rendre réellement vivante.

Les yeux étranges de Vergere plongèrent dans ceux de Jacen, guettant sa réaction.

— Vous avez raison. La façon dont nous traitons les autres, voilà ce qui compte, pas d’où nous venons.

— Exactement, jeune Jedi. Je m’en tiens à tout ce que j’ai fait depuis mon accession à la conscience. J’obéis à mes propres impératifs.

— Et que sont-ils ? demanda Saba.

— Ceux de toute créature intelligente : vivre en paix, augmenter ses connaissances et sa sagesse, aimer et être aimé. Et si on prétend me spolier de ces droits fondamentaux, fuir ou me battre. J’ai essayé les deux méthodes.

 

Leia essaya pour la quatrième fois d’appeler Ashpidar. En vain.

— Peut-être Ashpidar est-elle occupée ailleurs ? suggéra C-3PO.

— Je me demande… Ça fait longtemps qu’elle ne répond pas… Je vais voir ce qui se passe.

— Comme vous voudrez, princesse, soupira le droïd doré.

Les deux gardes noghri de Leia la précédèrent dans le tunnel qui reliait le Faucon à la station.

— Reste là, ordonna-t-elle à C-3PO, et appelle-moi si tu as du nouveau. Si je ne suis pas revenue dans une demi-heure et que je n’ai pas appelé, ferme le sas et attends le retour de Yan. Surtout, ne laisse entrer personne !

Les couloirs de la station étaient calmes quand Leia se dirigea vers les quartiers d’Ashpidar. Ignorant ce qui se passait, elle restait sur ses gardes. Son intuition lui soufflait que quelque chose n’allait pas.

En chemin, elle vit un ingénieur travailler sur un panneau mural.

La porte du bureau d’Ashpidar était fermée.

— Retourne chercher la Sulustéenne, ordonna-t-elle à Meewalh. Elle pourra sans doute nous faire entrer.

La Sullustéenne arriva peu après.

— Que se passe-t-il ?

— Désolée de vous interrompre Gantree, répondit Leia en lisant le nom de l’ingénieur sur son badge, mais je dois entrer dans cette pièce.

— Pourquoi ?

— Ashpidar ne répond pas à mes appels.

— Elle se repose peut-être…

— A un moment comme celui-là ?

— Alors, elle est ailleurs.

— L’avez-vous vue, ces deux dernières heures ?

La Sullustéenne soupira.

— Comprenez qu’on ne peut pas entrer comme ça dans les quartiers du personnel…

— Certes, répondit Leia, mais j’ai le sentiment que quelque chose de grave est arrivé au commandant. Je vous en prie, ouvrez cette porte. Si je me trompe, j’en assumerai la pleine responsabilité.

— Très bien. Mais si elle demande…

Gantree se pencha vers la serrure.

— Bizarre… La porte est fermée de l’extérieur !

Leia sentit son malaise augmenter.

L’ingénieur saisit un code et la porte s’ouvrit.

Meewalh entra le premier. Sabre laser au poing, Leia suivit. Elle sentit une odeur d’ozone, et vit une paire de grands pieds dépasser du bureau.

Des câbles entourant ses antennes, Ashpidar était couchée sur le ventre. L’ingénieur s’agenouilla.

— On l’a torturée ! Les Gotals ne supportent pas d’avoir des champs magnétiques sur leur corps !

Leia s’accroupit à côté d’Ashpidar. Elle n’était pas très versée en physiologie gotale.

— Elle va s’en tirer ?

— Elle est évanouie, répondit Gantree. Pourquoi la maltraiter ainsi ?

— Dame Vador, lança Cakhmain, regardez !

Leia leva les yeux. La Noghri lui montrait le coffre mural d’Ashpidar. Ouvert, et vide.

— Quelqu’un a volé le villip ! s’exclama Leia.

La Sullustéenne eut l’air surpris.

— Le villip ?

— Eniknar et Ashpidar l’ont trouvé caché dans un placard, il y a quelques jours. Ils essayaient de déterminer à qui il appartenait quand les Yuuzhan Vong ont attaqué. Quelqu’un s’en est servi pour les attirer ici.

— Un traître ? Parmi nous ?

— Nous pensions que c’était Eniknar, parce que son odeur ne collait pas.

— Quel rapport avec son odeur ?

— Beaucoup de choses, pour un Noghri… Mais le véritable traître est quelqu’un autre ! Et maintenant, il ou elle a le villip !

L’ingénieur eut l’air affolé.

— Il pourrait révéler notre emplacement aux Yuuzhan Vong !

— Il faut l’arrêter, dit Leia.

— N’a-t-il pas déjà contacté les Vong ? demanda Gantree.

— C’est peu probable. Il aura d’abord voulu assurer sa fuite.

— S’il a fui, c’est forcément à pied, car il ne reste plus de motospeeders dans le hangar.

— Et mettre une combinaison prend du temps… Suivez-moi !

— Si on faisait l’appel, ça nous dirait qui manque, suggéra la Sullustéenne.

— Pas le temps, et ça alerterait le traître. Coinçons-le avant qu’il ne s’échappe ! Par quel sas partirait-il ?

— Un seul convient aux personnels en combinaison.

— Guidez-moi !

Le sas en question était fermé. A travers une vitre épaisse en transpacier, elles virent une petite silhouette occupée à fermer une combinaison. Leia ne la reconnut pas, mais Gantree, oui. Elle appuya sur l’unité com.

— Tegg ! Que fais-tu ?

L’Ugnaught ne répondit pas, redoublant d’efforts pour finir de boucler sa combinaison. Une petite boîte étanche de la taille d’un villip était posée à côté de lui.

— Pourquoi fais-tu ça ? Tu n’as pas compris qu’ils nous tueront tous ?

Le regard haineux que l’Ugnaught tourna vers elles apprit à Leia ce qu’elle voulait savoir : il appartenait aux Brigades de la Paix, le groupe de partisans des Vong qui s’était infiltré partout.

— Pouvons-nous ouvrir la porte ? demanda Leia.

La Sullustéenne saisit un code sur le clavier.

— Il a démoli les commandes !

— Alors il faut l’empêcher de sortir. Ce sas a une sécurité standard ?

— Bien entendu ! Pourquoi ?

— Parce que la porte extérieure ne s’ouvrira pas si l’intérieure n’est pas étanche. Reculez !

Leia leva son sabre laser et lui insuffla toute l’énergie mentale dont elle disposait. Et il en faudrait pour traverser cinquante centimètres de transpacier !

Des étincelles jaunes jaillirent quand la lame entra en contact avec la vitre et s’y enfonça centimètre par centimètre.

L’Ugnaught essaya d’aller plus vite. Leia se concentra sur sa tâche, insufflant toute son énergie à la lame. Tout dépendait de sa réussite. Pas question d’échouer !

Tout le reste, soudain secondaire, disparut à ses yeux…

Quand une alarme retentit, elle crut avoir transpercé la vitre. Mais il y avait toujours une résistance… L’alarme avait été déclenchée par le sas : sa porte extérieure ouverte, il était vide.

Leia désactiva son sabre laser. Plus question de finir de couper le transpacier !

— Pouvez-vous déplacer la station sans l’autorisation d’Ashpidar ? demanda-t-elle.

— Oui, mais…

— Allez-y ! Emmenez-la n’importe où. Je fonce au Faucon le déplacer aussi. Une chance minime vaut mieux que rien !

Gantree regarda Leia, les yeux écarquillés par la peur.

Un bruit, dans le sas, leur fit tourner la tête. L’Ugnaught était revenu ! Dans l’air très dense qui avait envahi le sas, il avait trébuché et était en train de se relever.

Il recula, comme s’il avait peur.

L’instant suivant, Leia comprit pourquoi. Une forme humaine en combinaison apparut dans le sas, la lame violette de son sabre laser scintillant…

— Jaina ! cria Leia.

— Je suis venue aussi vite que possible, répondit la jeune femme, sa voix sortant de l’unité com.

— Tu m’as sentie ?

— J’ai capté un problème. Je me suis focalisée sur toi et je suis arrivée juste à temps pour empêcher ce traître de filer !

L’Ugnaught essaya de fuir. D’un geste, Jaina l’envoya bouler en arrière.

Une autre silhouette se découpa sur le seuil du sas.

— D’après Droma, il y a du nouveau en orbite, rapporta Jaina. On dirait que la bataille a repris. Nous allons entrer pendant que tu vérifieras si Pellaeon a envoyé de nouvelles informations.

Leia mourait d’angoisse. Les choses n’étaient pas censées se passer ainsi. Les Impériaux restaient inférieurs en nombre. De plus, si Jaina et ses camarades avaient détruit le transpondeur en faisant croire qu’il s’agissait de la base, il n’y avait pas de raison que Vorrik s’attarde. Pourquoi était-il toujours là ?

La guerre n’était pas gagnée, loin de là…

Qu’est-ce qui est allé de travers ? se demanda Leia.

 

Jacen frissonna.

— Vous avez décidé de vous battre. C’est bien ça ?

— Non, répondit Sekot. J’ai dit que j’avais le choix, et que j’avais essayé les deux options. J’ai d’abord combattu les Etrangers, puis j’ai fui. Et je vis ici depuis des années. En paix… Mais voilà que vous venez me perturber.

— Les Yuuzhan Vong sont arrivés les premiers, rappela Jacen.

— Vous avez aussi envahi mon sanctuaire.

— Avec des intentions radicalement différentes des leurs.

Vergere fronça ses sourcils emplumés.

— Vous ignorez ce que les Yuuzhan Vong m’ont dit – ce qu’ils veulent – et vous parlez de leurs « intentions » ?

— Vous avez raison. Pourtant, vous avez dû sentir que nous étions différents. Vous nous avez laissé atterrir, alors que vous avez détruit les Yuuzhan Vong.

— Les Jedi ne m’ont jamais voulu de mal, et j’ai beaucoup appris d’eux. Beaucoup de mes habitants se souviennent de vous, et ils auraient été ravis de vous accueillir, s’il n’y avait pas eu votre guerre.

— Nous venons chercher la paix, pas la guerre, assura Jacen.

— Comment puis-je vous donner la paix ?

Cette question hantait Jacen depuis la mort de son professeur.

— Je l’ignore. Mais il doit y avoir un moyen. Sinon, Vergere ne m’aurait pas envoyé à vous.

— Je pourrais vous donner des armes, dit Sekot. Les Etrangers sont invisibles dans le flot d’énergie que le premier Magistère appelait le Potentium, et que les Jedi nomment la Force. Mais ce ne sont pas pour autant des abominations. Depuis leur première attaque, j’ai étudié des fragments de leurs vaisseaux, et cherché à comprendre les principes sur lesquels ils se basent.

— Pour vous inspirer de leur technologie, dit Danni.

— Précisément. J’ai découvert des choses étranges, et pris ce que j’ai pu. Mes armes et mes vaisseaux vivants ont des similitudes avec les leurs, mais peu de leurs faiblesses.

Jacen sursauta. Etait-ce pour ça que Vergere les avait envoyés à la recherche de Sekot ? Il en doutait : ça ne correspondait pas à la personnalité de son professeur…

— Qu’y a-t-il ? demanda Sekot. Ça n’a pas l’air de vous plaire.

— Non, répondit Jacen. Je ne crois pas que nous soyons là pour ça.

— Vous ne venez pas demander de l’aide contre vos ennemis ? s’étonna Jabitha.

— Si. Mais pas ce genre-là.

— Lequel, alors ? Qu’avons-nous d’autre à vous offrir ?

— Je l’ignore !

— Vous ne rencontrerez jamais d’être plus puissant que moi, dit Sekot. Si je me proposais d’être une arme vivante dans votre combat contre les Etrangers, vous refuseriez mon offre ?

Jacen vit Saba et Danni le regarder. Les deux réponses s’affrontèrent dans son esprit.

Oui.

Parce qu’il en avait assez de la mort et de la destruction. Une victoire militaire pour l’Alliance Galactique exigerait le génocide des Yuuzhan Vong. Comment assumer une telle responsabilité ?

Non.

Parce qu’il ne voyait pas d’autre moyen de défendre ceux qu’il aimait. S’il y avait une solution militaire, pas question de rester inactif et de regarder mourir sa famille et ses amis. Face à la mort de milliards d’innocents, que pesait une victoire morale sur la violence ?

A cet instant, Jacen se sentit incroyablement petit et vulnérable. Un mot de sa bouche pouvait changer le cours de la guerre et le destin de son peuple.

— Alors ? demanda Sekot. Que répondez-vous ?

 

— Non.

Le mot résonna dans l’esprit de Luke alors qu’il se représentait les générations d’enfants qui ne vivraient pas si l’Alliance Galactique succombait contre les Yuuzhan Vong… Des enfants comme son fils, Ben. Il vit la population de la galaxie réduite en esclavage par le seigneur suprême Shimrra.

Pourrait-il refuser l’offre de Sekot, avec ces images à l’esprit ?

— Vous accepteriez cette proposition ? demanda le sosie d’Anakin Skywalker.

— Oui, répondit Luke.

Se rapprochait-il trop du Côté Obscur ? Incitait-il Sekot à le faire ?

— Alors, considérez que je viens de vous la faire, dit Sekot avec un grand sourire.

Luke vit les Ferroans écarquiller les yeux. Ils ne s’attendaient pas à cette réaction.

Et lui non plus.

— Et tous vos discours sur votre désir de paix, la volonté qu’on vous laisse tranquille ?

— Je n’aurai aucune paix tant que les Etrangers seront dans cette galaxie, répondit Sekot. Ma proposition est donc à votre bénéfice autant qu’au mien.

— Mais…, balbutia Rowel, et le Sanctuaire ?

— Il a déjà été violé. Un corail skipper a vraiment échappé à mes filets et fui pendant l’attaque. Il est probablement retourné vers ses maîtres pour leur révéler mes coordonnées.

Darak et Rowel eurent l’air horrifiés.

— Je ne suis pas omnipotente, tout compte fait…, conclut Sekot. (Elle se tourna vers Mara et Luke.) Ça donne à réfléchir, non ?

 

Pellaeon observa la destruction du transpondeur avec satisfaction – ou une émotion qui s’en rapprochait.

Et maintenant, Vorrik, voyons de quel bois vous vous chauffez. Prendrez-vous la fuite, ou nous affronterez-vous pour subir une dernière humiliation ?

Le Kur-hashan n’avait pas l’air décidé. Pellaeon se demanda ce qui se passait dans l’esprit de son commandant… Quel but secret avait-il poursuivi ? Pellaeon ne doutait pas qu’il en ait eu un. Sinon, dépenser autant d’énergie pour liquider une base de relais n’avait pas de sens. Si Vorrik l’avait vraiment désiré, il aurait pu bombarder la surface de la planète jusqu’à la transformer en monceaux de décombres fondus…

Qu’il se soit abstenu laissait penser qu’il voulait la station intacte.

Pellaeon sourit.

— Envoyez le signal, ordonna-t-il, pendant que le Kur-hashan passait enfin à l’attaque.

Les forces impériales et celles des Yuuzhan Vong s’affrontèrent de nouveau à grands coups de rayons laser et de plasma. De la planète, le ciel devait être plus brillant qu’il ne l’avait jamais paru.

Pellaeon resta sur la passerelle quand le Kur-hashan fonça sur son navire. Il imagina la rage de Vorrik, et jubila. Le Yuuzhan Vong avait dû croire que les infidèles seraient vite balayés…

Pellaeon se demanda si Vorrik n’avait pas vu juste, et s’il n’avait pas fait une erreur de calcul… Mille et une choses auraient pu aller de travers. Pour cette raison, il n’avait partagé la vérité avec personne – excepté son aide de camp.

Quand la coque du Kur-hashan sembla emplir tout l’écran devant lui, un responsable de la télémétrie prit la parole.

— Des signatures de vaisseaux sortant de l’hyperespace, Grand Amiral. Des dizaines !

Pellaeon soupira de soulagement. Des bâtiments de toute taille et de toute forme apparurent autour d’Esfandia, une flotte de fortune armée de canons bricolés et d’antiques missiles… Mais elle compensait sa médiocre logistique par l’effet de surprise et la bravoure.

Les nouveaux venus se jetèrent sur la flotte ennemie, détruisant les basal dovins et arrachant de grands morceaux de corail yorik. Bientôt, de l’air et des cadavres sortirent d’une dizaine de trous, dans la coque du grand vaisseau yuuzhan vong, tandis que ses basal dovins lâchaient sur un flanc.

Une canonnière aux inscriptions bizarres mitrailla l’échine du vaisseau vivant. Deux corvettes miteuses éliminèrent un vaisseau à yammosk. Un cargo drone se rua sur le Kur-hashan et explosa comme s’il était chargé de bombes de la proue à la poupe.

— Une transmission ! annonça l’officier des com. Venant de l’ennemi !

Pellaeon sourit.

Le visage hideux de Vorrik réapparut. La passerelle de son vaisseau étant secouée par les explosions, l’image était brouillée.

— Vous voulez vous rendre, Vorrik ?

— Vous ne pouvez pas nous vaincre, infidèle !

— Il y a cinq minutes, j’aurais été d’accord avec vous. Maintenant…

— Vous nous tuerez peut-être, vous ne nous vaincrez pas ! Jamais !

Le Vong coupa la communication.

— Boucliers à pleine puissance ! cria Pellaeon. Il va faire sauter ses moteurs !

L’ordre fut aussitôt relayé aux autres vaisseaux impériaux et aux renforts. L’ultime défi du commandant Vorrik ne servit à rien. L’explosion de son vaisseau dévia légèrement la trajectoire du Droit de Gouverner.

— Une communication du Sélonia, monsieur.

— Félicitations, Grand Amiral ! lança la capitaine Mayn. J’imagine que vous saviez depuis le début ce qui arriverait…

— Que Vorrik se saborderait plutôt que de se rendre ? Non, mais je l’espérais ! Je connais ce genre de militaire, yuuzhan vong ou pas. Des officiers incapables de s’adapter. Ils préfèrent mourir, de préférence de manière spectaculaire.

Mayn sourit.

— En réalité, je parlais des vaisseaux qui viennent d’arriver. Qui sont-ils ?

— Des amis à vous, je présume. Ils m’ont parlé d’Esfandia, et suggéré de venir ici pour éviter que la catastrophe de Generis se répète. Ils m’ont aussi informé que des renforts seraient bientôt là… Je pourrais les contacter en transmettant une phrase codée sur une certaine fréquence. Quand Vorrik a attaqué au lieu d’abandonner la partie, je me suis dit que le moment était venu.

— Un sacré pari, monsieur.

— Ça vous pose un problème ?

— Non. En fait, j’aurais probablement agi de même à votre place. Je me demandais seulement qui étaient ces « amis » dont vous parlez.

— J’espérais que vous pourriez me le dire, capitaine. Ils se nomment « réseau des Ryns ».

— Vraiment ? J’ignorais qu’ils exerçaient ce genre d’influence…

— Donc, vous savez quelque chose à leur sujet ?

— Peut-être. Mais pour connaître toute l’histoire ouvrez-vous-en à la princesse Leia et au capitaine Solo.

— Je n’y manquerai pas ! marmonna Pellaeon quand son interlocutrice eut coupé la communication.

 

— Oui, je refuserais.

Un silence de plomb tomba sur l’assemblée. Jacen croisa le regard réprobateur de Saba et de Danni. Comment avait-il pu faire ça ? Condamner des milliards d’innocents à une infâme déchéance ?

Dans son cœur, Jacen savait qu’il avait pris la bonne décision. Il se souvint de deux remarques. Wynssa Fel, sur Csilla, pensait qu’un homme professant la non-violence n’aurait pas dû porter une arme. Et son oncle, un jour, s’était demandé comment affronter un ennemi brutal sans s’abaisser à son niveau…

Son choix n’était pas sans rapport avec ces questions fondamentales. Il aurait eu du mal à l’expliquer en quelques mots à Danni ou à Saba. Et les conséquences pour la galaxie le tourmentaient. Mais il refusait de revenir sur sa décision. Elle était le fruit de sa force, pas de sa faiblesse.

— Après être venu de si loin pour chercher mon aide, vous la rejetez. Vous êtes sûr ?

— Je maintiens ma position.

— Jacen…, commença Danni.

— Nous n’avons pas besoin de plus de forces militaires. Je ne peux pas accepter la destruction comme remède à la destruction. Une telle réaction amènerait notre chute, à long terme. Donc, je refuse votre offre.

L’image de son ancien professeur sourit.

— Peu importe. J’ai décidé de me joindre à votre cause.

— Que voulez-vous dire ? demanda Jacen.

— Vous avez obtenu ce que vous vouliez, assura Sekot. Je reviendrai avec vous pour participer à votre guerre. Reste à savoir si je ferai la différence ou pas.

Le double de Vergere enlaça la taille de Jacen. A sa grande surprise, celui-ci sentit une légère pression, comme si l’être était composé d’un épais brouillard.

— Plus question de fuir, conclut Sekot. Finissons-en avec cette guerre ! Au nom de la galaxie…

Jacen soutint le regard de son ancien professeur, brillant d’intelligence, de profondeur et de sagesse.

Mais il n’y vit rien qui pût le moins du monde le rassurer…

Et cela le troubla infiniment.

 

— J’ai le grand déplaisir, seigneur suprême, de devoir dénoncer un autre nid de perfidie, cette fois dans le secteur de Numesh, dirigé par le préfet Zareb.

Fasciné, Nom Anor regardait la cour de Shimrra écouter le dernier rapport de Ngaaluh. Le villip caché dans les robes de la prêtresse montrait clairement la scène. Nom Anor avait besoin d’une vengeance simple et rapide pour effacer la trahison de Shoon-mi.

Accoudé à son trône de corail yorik, Shimrra balayait de ses yeux haineux la foule de ses courtisans. Il n’y avait pas un bruit à part celui de la voix de Ngaaluh et les bruissements de l’assistance. Les hérétiques infiltrés dans la demeure de Zareb avaient été soumis à un interrogatoire. Et leur témoignage était clair.

— La conclusion est inévitable, seigneur suprême, dit Ngaaluh. Une fois de plus, vous avez été trahi par ceux en qui vous aviez confiance.

— Comment est-ce possible ?

— Mon seigneur, je crains que…

— Ça suffit, Ngaaluh. Vous avez dit ce que vous aviez à dire.

Shimrra se leva et descendit de son trône. Quand il parla, sa voix était aussi terrifiante que celle de Yun-Yuuzhan en personne.

— L’hérésie n’est pas un gaz empoisonné qui s’infiltre par des fissures. Ni une infection véhiculée par l’air. Elle est répandue par des Honteux de chair et de sang, comme nous. Ils n’ont aucun pouvoir surnaturel, et leur amour des Jeedai ne leur donne pas d’avantages particuliers.

Il se tourna vers Nas Choka.

— Maître de guerre, comment expliquez-vous que ces hérétiques puissent corrompre mes serviteurs les plus fidèles sans être détectés ?

Nas Choka serra les mâchoires.

— Nous continuons à enquêter dans toutes les directions, seigneur suprême. Mais ces traîtres sont tous de la caste des intendants, comme vous l’aurez sans doute remarqué…

— En effet. Dites-moi, Drathul, comment ces Honteux ont-ils trouvé les ressources nécessaires à leur survie ?

Le haut préfet tressaillit.

— En ce moment même, nous examinons les circuits de distribution de fournitures. Nous soupçonnons que certaines informations nécessaires à leur détournement ont été transmises par un modeleur renégat.

Shimrra se tourna vers Yal Phaath.

— Comment répondez-vous à cette accusation, maître modeleur ?

— Ces fuites ne viennent pas de l’un d’entre nous, affirma-t-il. Nous avons foi en vous et en nos dieux.

L’expression de Shimrra montra clairement ce qu’il en pensait.

— Oui. La foi…

Il se tourna vers Jakan.

Nom Anor exulta à l’idée que le grand prêtre soit mis sur la sellette.

— L’hérésie mine le centre spirituel de notre peuple, Jakan, dit Shimrra. Les dieux ont le droit d’être mécontents de notre manque de foi ! Vos plans visant à nous débarrasser de ce pseudo-prophète manquent singulièrement d’originalité.

— Soyez assuré, seigneur suprême, que son châtiment est imminent ! lâcha Jakan, les mains tremblantes. Ces blasphèmes ne seront pas impunis.

— En effet. Nos ennemis sont des êtres de chair et de sang. Pour les dieux, ce sont seulement des aberrations.

Il se tourna vers Drathul.

— Reste à expliquer l’infiltration de l’hérésie dans les plus hautes sphères de notre hiérarchie… Aurais-je été plus trahi que je ne le pensais ? Ce traître infiniment méprisable se dissimule-t-il au palais ?

Nom Anor ne se sentit plus de joie. Il n’aurait jamais osé espérer que Shimrra en vienne à soupçonner Drathul en personne !

— Ce kshirrup empoisonné ose répandre la pourriture du Prophète parmi mes proches. Le traître vole des secrets, détourne des fournitures, me ment, tient contre ma gorge une arme que je ne peux pas voir… Que pensez-vous de cette hypothèse, Drathul ?

— Elle est plausible, mon seigneur, répondit le haut préfet d’une voix admirablement ferme. Mais je vous assure que…

— Plus un mot, Drathul ! Je suis observateur. J’entends ce qui se murmure. Je vois des yeux invisibles rivés sur moi. Je sais quand j’ai été trahi !

Sous la hargne de Shimrra, Drathul se recroquevilla. Des gardes émergèrent de derrière l’estrade. Nom Anor sentit la chaleur de la victoire se répandre dans ses veines. Drathul serait-il bientôt jeté dans la fosse des yargh’un ? Si vite ?

Mais les gardes entourèrent Ngaaluh, pas Drathul. Nom Anor ne comprit pas tout de suite ce qui se passait. Sur son villip, les visages scarifiés des guerriers se rapprochèrent.

Ngaaluh aussi mit du temps à saisir, car elle ne réagit pas aussitôt.

— Mon seigneur ! Que se passe-t-il ?

— La réponse à votre trahison, répondit Shimrra en se tournant vers elle.

Ses yeux rougeoyants semblèrent se river sur Nom Anor, figé de stupeur.

— Emparez-vous d’elle !

Les gardes obéirent. Ngaaluh ne se débattit pas, mais Nom Anor vit qu’elle avait peur à la manière dont son villip tremblait.

— Vos preuves contre le préfet Ash’ett étaient convaincantes, dit Shimrra. Celles contre Drosh Khalii et le préfet Zareb aussi. Presque trop, en fait. Etonné, j’ai interrogé les témoins avant de les jeter aux yargh’un. Quand on questionne les gens correctement, on entend des témoignages très différents…

— Non…

— Ils ont été infiltrés spécialement pour incriminer Ash’ett, Khalii et Zareb, n’est-ce pas, Ngaaluh ? C’est vous, la personne de confiance qui m’a trahi, pas ces innocents intendants !

— Mon seigneur, dit Drathul, c’est inconcevable ! La trahison de Ngaaluh explique bien des choses, mais comment le Prophète a-t-il réussi à l’infiltrer dans votre cour…

— Je n’ai pas parlé du Prophète, coupa Shimrra. Cette traîtresse a utilisé l’hérésie pour piéger ses victimes, mais ça ne signifie pas qu’elle y adhère. Je pense à une conspiration plus complexe là-dedans ! Il faudra du temps et des efforts pour trouver la vérité !

— Je ne vous dirai rien ! cria Ngaaluh.

Horrifié, Nom Anor vit son espionne grogner de douleur, puis s’effondrer entre les bras des gardes.

L’image se brouilla. Le villip s’immobilisa, des visages penchés sur lui. Nom Anor comprit que Ngaaluh était étendue sur le sol.

— Du poison, annonça un garde. Je crains qu’elle ne nous échappe, seigneur suprême.

— Peu importe. Nous n’aurions pas pu croire aux aveux d’une prêtresse de la secte de la tromperie. Sa fin servira d’avertissement à ses complices : nous ne sommes pas des imbéciles.

— Les dégâts qu’elle a faits peuvent être en partie réparés, dit Drathul. Et l’honneur de mes intendants lavé de tout soupçon.

— Inutile ! fit Shimrra, surprenant Nom Anor. Ash’ett, Khalii et Zareb ne seront pas morts en vain. Les rapports sur l’hérésie affluent. La peur du châtiment provoquera une nouvelle purge, et je ne voudrais pas que ça cesse.

Le villip continua à transmettre, même quand un garde flanqua un coup de pied au corps sans vie de Ngaaluh.

— Que faire de ça ?

— Comme d’habitude, répondit Shimrra. Que le Prophète l’ait envoyée, ou pas, elle servira d’avertissement à son maître. Tôt ou tard, nous l’attraperons. Il partagera bientôt le sort de cette traîtresse.

— J’ai hâte que ce jour arrive, dit le Drathul.

— Il viendra, mon fidèle serviteur, il viendra…

La voix de Shimrra mourut quand le corps de Ngaaluh fut traîné à travers le palais.

Nom Anor ne pouvait détacher le regard de la scène tremblante transmise par le villip. Sur le chemin de la macabre procession, personne ne posa de questions : ces derniers temps, la vue d’un cadavre était devenue monnaie courante au palais…

— Maître, dit Kunra d’une voix tremblante.

— Silence, grogna Nom Anor.

Il n’était pas d’humeur à parler. Ngaaluh avait disparu – et avec elle son meilleur moyen d’influer sur le destin de Yuuzhan’tar. Sans elle, il ne saurait plus ce que concoctait Shimrra. Sa chance de se venger de ses ennemis venait de lui glisser entre les doigts, alors qu’il pensait être près de la réussite…

Le villip cessa de bouger une seconde, puis il recommença à se balancer. Nom Anor entendit les gardes compter. A « trois », ils jetèrent le corps dans la fosse.

Ngaaluh et le villip atterrirent sur le sommet du charnier. Nom Anor eut une vue imprenable sur des centaines de corps pourrissants… Dont les hérétiques qu’il avait envoyés à la mort… Ses rêves de gloire brisés, le commandant Ekh’m Val y était aussi.

Combien de temps avant que le Prophète les rejoigne ? se demanda Nom Anor.

— Nom Anor…

— Je t’ai dit de te taire, Kunra. Il n’y a rien à dire.

Ensemble, ils contemplèrent les cadavres.

Quand la lumière baissa, Nom Anor regardait toujours.

Hypnotisé…

Combien de temps ?

Il entendit à peine Kunra partir.

Combien de temps… ?

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